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Libération
Reportage

«Une volonté de maintenir la tradition» : dans la vallée d’Ossau, la renaissance de la langue sifflée

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Utilisé dans les Pyrénées françaises par les bergers, le langage, qui repose sur le sifflement, avait disparu en 1999. Un collège de la région a relancé l’apprentissage de la technique ancestrale, présente dans plusieurs régions d’Europe.
Une sculpture dédiée à un siffleur à Laruns (Pyrénées-Atlantiques). (Iroz Gaizka /AFP)
par Carole Suhas, Correspondante au Pays basque
publié le 4 mai 2024 à 17h55

14 heures, début de la classe : l’enseignant Philippe Biu fait l’appel. Ou plutôt, le siffle. Le pouce et l’index dans la bouche, il émet des variations de sons, qui s’adressent à chacun des élèves de 5e du collège des Cinq-Monts de Laruns, dans la vallée d’Ossau. Dans ce petit établissement de 103 collégiens, on apprend la langue sifflée des Pyrénées, à raison de deux heures par mois. Il faut imaginer cette langue, née dans le village voisin d’Aas et sa centaine d’habitants, comme une «version de la parole, comme peut l’être le chuchotement», explique Philippe Biu, professeur de lettres et d’occitan à l’Université de Pau. «On cesse de faire vibrer ses cordes vocales, et on essaie de faire comme si on parlait, en remplaçant les vibrations par des sifflements.» Plus qu’une langue à proprement parler, le langage sifflé est une «technique», adossée à l’occitan, qui permet de s’exprimer en phonèmes.

Debout devant son bureau, la jeune Eve siffle des phrases entières, décrit les vêtements de ses camarades. «Mon père est berger et il siffle donc il m’a appris», explique-t-elle. Gaël, lui, a été initié par sa grand-mère : «Au début, je n’étais pas du tout attiré, mais elle m’a incité, c’était notre truc, et maintenant je continue à siffler parfois chez moi. C’est comme un passe-temps.» Celle que l’on estime être la «dernière siffleuse» d’Aas, Anne Palas, décédée en 1999, avait emporté avec elle toute trace de ce langage qui peut résonner à plus de 2 kilomè