C’est un peu les «Cent jours». Comme si la statue refusait de quitter sa place comme l’Empereur renâclait à relâcher son pouvoir. Actuellement en restauration dans un atelier de région parisienne, c’est la première fois que la statue de Napoléon qui trône face à l’hôtel de ville de Rouen était séparée de son socle depuis son érection en 1863. Un exil dont la sculpture a failli ne jamais revenir.
Après son départ, le 2 juillet 2020, l’actuel maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol (PS), avait proposé de déplacer l’œuvre ailleurs et de la remplacer par une statue féminine, pour lutter contre l’invisibilisation des femmes dans l’espace public. Levée de boucliers immédiate, notamment à droite, la décision avait alors été soumise à une consultation publique. Débutée au mois d’octobre, elle vient de rendre son verdict : c’est non.
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«La majorité des votants sont favorables au retour de la statue de Napoléon à la même place sans autre changement», a indiqué la ville de Rouen dans un communiqué. Un peu plus de 4 000 Rouennaises et Rouennais ont donc voté, parmi lesquels 68% se sont exprimés pour sauver le Premier consul. «Nous suivrons les avis exprimés, tant sur l’aménagement de la place de l’hôtel de ville et sa renaturation, la représentation des femmes dans l’espace public que sur la statue de Napoléon, son retour sur la place ainsi que des aménagements temporaires le temps de sa restauration», réagit le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol (PS), cité dans le communiqué.
Les votants favorables à une plus grande visibilité des femmes
Une conclusion logique d’une polémique un peu stérile mais qui aura eu le mérite, selon l’édile, de discuter de la place de la femme dans l’espace public. Pendant toute la consultation, il s’est employé à rappeler que seules 4% des rues de Rouen portaient des noms de femmes et à dire tout le bien qu’il penserait de tout projet pouvant permettre à plus de visibilité des femmes.
C’est ce qui lui a valu les foudres d’une partie des médias et personnalités politiques de droite, l’accusant de se soumettre au «wokisme» et à la «cancel culture». La nouvelle n’a paradoxalement pas été accueillie avec tant d’ardeur parmi les militantes féministes rouennaises, qui voyaient dans cette proposition une manœuvre politique davantage qu’un réel pas en avant dans la lutte pour la défense des droits des femmes.
A souligner qu’au-delà d’une victoire des partisans d’un retour de Napoléon sur la place, les votants ont tout de même largement soutenu l’idée d’une plus grande présence de noms féminins dans l’espace public : 65,6% ont dit souhaiter qu’une meilleure place soit faite aux femmes dans la dénomination des rues, places et jardins, et 67,10% par des plaques rendant hommage à des femmes.
Les votants sont aussi en accord avec les appels répétés des historiens et des associations de défense du patrimoine qui militaient pour plus de contextualisation des monuments et statues rouennais : 64,2% d’entre eux se disent favorables à «l’installation d’un élément explicatif (panneau…) permettant de replacer cette statue dans son contexte historique et politique». Histoire aussi de mieux comprendre les différentes instrumentalisations dont elle peut faire l’objet.
Mise à jour mardi 14 décembre à 14 heures – correction du dernier paragraphe : contrairement à ce qui a été écrit dans un premier temps, 64,2% des votants se sont bien dits favorables à «l’installation d’un élément explicatif».