Camouflet pour la mairie d’Amiens. Le tribunal administratif de la ville a annoncé avoir ordonné ce jeudi 16 mai la suspension de l’arrêté pris par la mairie le 25 avril dernier afin d’interdire la mendicité dans le centre-ville entre mai et août. Le tribunal a estimé dans un communiqué que l’arrêté entraînait «une limitation substantielle et durable à la liberté d’utiliser et d’occuper l’espace public» et que son «exécution portait une atteinte grave et immédiate à la liberté d’aller et venir». Il a aussi considéré «qu’il existait un doute sérieux sur la légalité» de cet arrêté et a donc ordonné sa suspension avec application immédiate.
«On ne peut pas être contents », se félicite La ligue des droits de l’homme d’Amiens auprès de France 3. L’ONG aurait tout de même préféré «ne pas avoir à faire recours au tribunal. On se bat contre l’évidence»,. «Mais on va pouvoir faire annuler les amendes qui ont déjà été dressées.»
A la suite de l’action de la #LDH et ses partenaires, la justice suspend l’arrêté #antimendicité à #Amiens. Ce n’est pas en excluant les personnes en situation de précarité des centres-villes qu’on combat la #pauvreté.https://t.co/hbFzel0cSB
— LDH France (@LDH_Fr) May 16, 2024
La maire d’Amiens Brigitte Fouré (UDI), prenant acte de la décision, a de son côté souligné dans un communiqué que l’arrêté «se justifiait à la suite des plaintes récurrentes des commerçants». Elle a également pointé «les interventions multiples des forces de l’ordre pour faire cesser les troubles à l’ordre public de la part de certains sans domicile fixe». L’élue de droite assure qu’elle continuera «à travailler avec les commerçants et les habitants pour trouver les solutions les plus adaptées au renforcement de la tranquillité publique et à l’attractivité du centre-ville afin que celui-ci reste un pôle économique majeur».
Un arrêté «inhumain»
L’arrêté municipal, publié le 25 avril, visait à interdire la mendicité de mai à août, du mardi matin au samedi soir, lorsque les commerces sont ouverts, dans l’espace piétonnier du centre-ville. La mairie se justifiait en affirmant craindre une arrivée massive de sans-abris chassés de la capitale pendant les Jeux olympiques.
Au micro de France Bleu Picardie, Brigitte Fouré défendait aussi cet arrêté comme une solution aux nombreuses plaintes de commerçants de la ville qui se plaindraient de troubles aux abords de leurs boutiques : «Soit [les personnes sans domiciles] restent sur place et se comportent correctement, soit [elles] doivent aller ailleurs». En cas de non-respect de l’arrêté, la police municipale pouvait verbaliser les personnes concernées, ou leur demander de partir.
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La Ligue des droits de l’Homme et les associations amiénoises Maraudes citoyennes et Solam-solidarité avaient alors saisi le tribunal administratif en référé afin d’obtenir sa suspension. Dans une lettre ouverte publiée sur Facebook, les membres des Maraudes citoyennes amiénoises avaient jugé l’arrêté «inhumain», soulignant que «mendier n’est pas un plaisir ou une carrière, c’est une façon de survivre».
La décision du tribunal peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat. Des arrêtés anti-mendicité ont déjà été pris par plusieurs villes françaises ces dernières années, comme à La Rochelle en juin dernier, mais ont souvent été retoqués par la justice.