Pour ne pas concurrencer les deux menhirs bretons de 3 000 ans, il n’y aura pas de larges pales dans le paysage. La cour administrative d’appel de Nantes a tranché ce mardi. Ella a annulé l’autorisation de la construction et de l’exploitation de trois éoliennes à Porspoder dans le Finistère. La raison invoquée ? Le parc éolien aurait été trop proche - «à 540 mètres pour l’éolienne n° 3» - de plusieurs menhirs classés monuments historiques ce qui «porte une atteinte excessive tant au paysage environnant qu’au patrimoine archéologique».
Cette décision annule l’autorisation environnementale accordée par le préfet du Finistère en 2022 mais ravit les riverains, l’association pour la Protection de l’Aber Ildut et l’association Sauvegarde Paysages d’Iroise qui avaient saisi la cour administrative.
Un menhir volé en Irlande à une sorcière
Les deux menhirs au centre du débat sont ceux de Kergadiou, «classés monuments historiques depuis le 25 septembre 1883» comme l’a rappelé la cour. Reconnu mondialement, ce site touristique est aussi la source de légendes qui continuent de se diffuser. Un des deux menhirs aurait été volé en Irlande à une sorcière. Pour se venger, elle en aurait lancé un second qui se serait presque couché par terre, formant ainsi Kergadiou.
Loin des histoires d’antan, la cour a évoqué une menace pour l’attractivité de ce site : «par leur proximité et leur hauteur, les éoliennes litigieuses auraient pour effet de perturber le rapport d’échelle de ces menhirs.» Pourtant, la société porteuse du projet, ERG Développement avait déjà revu à la baisse ses ambitions passant de 4 éoliennes de 150 mètres chacune, à trois, raccourcies de trente mètres… Face aux 120 mètres des éoliennes, le menhir debout, qui mesure 8,75 mètres, et celui couché, de 9,20 mètres, risquaient tout de même de paraître moins impressionnants, a estimé la cour administrative de Nantes.
Un projet contesté en Bretagne
Ce projet de parc éolien suscitait la colère des habitants du Finistère pour d’autres raisons. Non seulement, il était situé à 500 mètres de Kergadiou, mais il était aussi à moins de deux kilomètres de nombreux autres sites mégalithiques eux aussi classés : le menhir de Kérouézel, les menhirs de Traon-Igou, ceux de Mesdoun, le dolmen dit de Mezou Poulyot à Kerménou… La cour a aussi estimé que le projet, situé à 3 kilomètres de la côte, pouvait «génére[r], dans le paysage préservé et dégagé, d’importantes covisibilités», notamment avec le parc marin naturel d’Iroise, les îles d’Ouessant et de Molène, le phare du Four, la presqu’île Saint-Laurent ou la route touristique de Landunvez.
Enfin, dans son arrêt, la juridiction rappelle que l’architecte des bâtiments de France avait émis plusieurs avis défavorables à ce projet, de même que les communes de Plourin et de Lanildut. Cela n’avait pas empêché le préfet d’autoriser le projet par un arrêté du 28 juillet 2022. Très encourageante pour les opposants au projet, cette décision de justice ne clôt pas la bataille. Un pourvoi devant le Conseil d’Etat peut être déposé dans un délai de deux mois.