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Billet

Macron, la carte et les «territoires»

Election Présidentielle 2022dossier
Le Président des «métropoles» a tiré les leçons de la crise des gilets jaunes et choie désormais, en vue de 2022, ces «territoires» délaissés où le RN a prospéré.
Emmanuel Macron lors des quatrièmes rencontres d'Action cœur de ville, à la Cité de l'architecture et du patrimoine, à Paris, mardi. (François Mori/AFP)
publié le 9 septembre 2021 à 6h51

On ne s’attendait pas à le voir dans ce grand raout qui se tient chaque année, dans une relative indifférence, à la Cité de l’architecture et du patrimoine. Mardi, Emmanuel Macron a clôturé les quatrièmes rencontres d’Action cœur de ville, du nom d’un programme lancé en 2017 pour revitaliser le centre des villes moyennes déshéritées après des décennies de désindustrialisation. «Les prix de l’immobilier remontent, les commerces commencent à rouvrir», s’est félicité le Président, qui a annoncé une rallonge de 350 millions d’euros au programme déjà doté de 5 milliards d’euros, et a confirmé son extension jusqu’en 2026.

Mais ce n’est pas seulement aux maires venus témoigner des bienfaits de cette manne qui leur a permis de rouvrir ici une librairie ou là un cinéma, de réhabiliter un immeuble vétuste ou de convertir en centre de formation une friche industrielle que s’est adressé le Président.

A sept mois de la présidentielle, celui qui, en novembre 2016, avait déclaré sa candidature à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, choie désormais «les territoires», terme flou qui a l’avantage d’être moins stigmatisant que celui de «périphérique» ou de «périurbain», et que ne renie pas non plus le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, candidat déclaré des «territoires».

Le Covid-19 comme allié

Certes, après une campagne où il avait érigé en exemple le chauffeur Uber de banlieue, le représentant du «bloc libéral-élitaire» selon l’expression du politologue Jérôme Fourquet, avait déjà commencé à prendre ses distances avec la métropole et les banlieues. Exit le ministère de la Ville de plein exercice, bienvenue au «ministère de la Cohésion des territoires». L’intitulé se veut une réponse à la «fracture territoriale» théorisée dès 2014 par le géographe Christophe Guilluy dans la France périphérique, qui a imposé sa vision d’une nation divisée entre les gagnants et les perdants de la mondialisation, entre des métropoles prédatrices et des espaces périurbains méprisés.

Cette lecture que Marine Le Pen a faite sienne a quelque chose de la prophétie autoréalisatrice. Fin 2018, le mouvement des gilets jaunes qui occupent les ronds-points de cette France périphérique rappelle à Macron qu’il va devoir changer de focale. Paru en mars 2019, l’essai l’Archipel français de Jérôme Fourquet, qui analyse le vote Macron et Le Pen en 2017, confirme l’avènement d’un nouveau clivage centre-périphérie, qui est aussi social en raison d’une «distribution géographique de plus en plus marquée des classes sociales». Fourquet a eu l’idée de croiser deux données : les votes Macron-Le Pen et la «distance des communes à la grande aire urbaine la plus proche». Résultat : plus on réside loin de Paris, Lille ou Dijon, plus on vote Le Pen.

Dans sa tentative de se défaire de son tropisme urbain, le chef de l’Etat a un allié : le Covid-19. Le confinement aura fait plus pour rebattre les cartes du territoire que le «pèlerinage laïque» entrepris par Macron dans le cadre du grand débat national ou que son récent tour de France. Les villes, petites et moyennes, ont de nouveau la cote. Reste à savoir à qui profitera, en mai 2022, cette nouvelle donne territoriale.