«Les architectes partagent un secret, qui est lié à l’acte de bâtir, et ce secret c’est d’échapper à la mort» : en 1994, Roland Castro donne une conférence au Pavillon de l’Arsenal, à Paris, devant un parterre d’architectes. Clope à la main, il tâtonne, cherche ses mots, regarde ses quelques notes, pour tenter de définir cette engeance que sont les architectes. «Ce sont de pauvres gens, ballottés, traités au pourboire», mais «devant les hommes politiques, ils rigolent. Ils sont polis mais ils rigolent parce que leur truc restera peut-être plus». Refus du cours magistral chez cet anti-starchitecte, ce qui ne l’empêche pas d’être une figure – mais à sa manière, anti-autoritaire – et d’avoir un «truc qui restera» : transformer plutôt que démolir, remodeler plutôt que faire table rase. Car de Roland Castro – mort jeudi à 82 ans «paisiblement dans un hôpital parisien», selon sa fille Elisabeth –, plus que des monuments, il restera des idées, des audaces, des coups de gueule, et une vision de la ville qui apparaît aujourd’hui prémonitoire à l’heure où le dérèglement climatique impose de préserver l’existant, et de «refaire la ville sur la ville».
«Familles arméniennes et machines à coudre»
Roland Castro est un enfant de l’Exode. Son père était un juif de Salonique, sa mère, une juive espagnole. Roland naît à Limoges, en 1940, et grandit à Saint-Léonard-de-Noblat (où mourra Poulidor), un village qui sera reconnu après guerre comme juste parmi les nations. Son père est embauché à l’usi