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Municipales de 2026 : les socialistes parisiens déjà dans les starting-blocks

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Le PS parisien lance «la Grande Enquête», dont les réponses serviront de base à l’élaboration de son programme pour les municipales de 2026. La question du casting de ces élections se pose déjà.
Anne Hidalgo, lors de l'inauguration du Bois de Charonne, le 11 septembre. (Ait Adjedjou Karim/ABACA/Abaca)
publié le 16 septembre 2024 à 8h00

Battre le fer quand il est chaud : le proverbe convient bien aux intentions des socialistes parisiens et en particulier de leur cheffe, Anne Hidalgo. Tandis que les Insoumis lavent depuis quelques jours leur linge sale en public après les sorties de François Ruffin, sifflé samedi à la Fête de l’Huma, la maire de Paris, requinquée par le succès des Jeux olympiques, donnait jeudi soir le coup d’envoi de la campagne des élections municipales de 2026 au Césure, un tiers-lieu installé dans les anciens locaux de la fac de Censier. Le prétexte étant le lancement d’une enquête pour sonder les Parisiens sur la manière dont ils imaginent leur ville à l’horizon de 2030, la Grande Enquête.

L’initiative est financée par Paris en commun (le groupe socialiste au Conseil de Paris, allié aux écologistes et aux communistes) et la Fédération de Paris du Parti socialiste. Un conseil scientifique, composé de cinq universitaires spécialistes de sciences politiques, sera chargé d’exploiter les réponses à ce questionnaire semi-directif, qui doit permettre aux Parisiens de formuler des propositions sur la manière dont on peut améliorer les politiques publiques dans dix domaines (habitat, économie, mobilités, démocratie, sécurité, etc). L’analyse des réponses servira de base à l’élaboration du programme de la majorité socialiste, au pouvoir depuis vingt-trois ans, en vue de la prochaine mandature. Pour embarquer toutes les générations, de jeunes militants coiffés d’une casquette orange ont été missionnés pour faire du porte-à-porte. Les associations seront aussi mises à contribution pour relayer le questionnaire, en ligne jusqu’au 20 octobre. En parallèle, des élus ont été chargés de plancher sur de grandes thématiques, comme la «Ville qui prend soin des aidants», la «Ville douce à hauteur d’enfants» ou la «Ville numérique».

«Solutions co-construites avec les Parisiens»

Paris fait face à deux grands défis, résume Rémi Féraud, sénateur et président du groupe Paris en commun : «Le dérèglement climatique et la préservation de la cohésion sociale», mise à mal selon lui par le double quinquennat d’Emmanuel Macron. Il faut «permettre à Paris de rester Paris, une ville du quart d’heure (1) qui donne envie de vivre ensemble», abonde Lamia el Aaraje, 37 ans, promue adjointe chargée de l’urbanisme, du Grand Paris et de l’accessibilité universelle après le départ d’Emmanuel Grégoire, le premier adjoint, élu député de la 7e circonscription de Paris fin juin. La patronne du PS parisien, chargée de piloter l’enquête, a fait applaudir Anne Hidalgo, à la tête de la ville depuis dix ans après avoir secondé Bertrand Delanoë qui a conquis ce fief de la droite en 2001. Assise au premier rang de l’amphi, la maire a savouré cette ovation aux airs de revanche après son échec à la présidentielle et la campagne de dénigrement orchestrée selon elle par la droite parisienne et la macronie, et relayée par la nébuleuse numérique #SaccageParis.

Les socialistes parisiens en sont convaincus : le succès des Jeux et le rayonnement mondial de la capitale devraient clouer définitivement le bec à ces esprits chagrins. «Anne serait trop radicale, excessive. Je remarque que, quand il s’agit des femmes, c’est toujours trop», a attaqué la secrétaire fédérale, listant ces grands projets critiqués au départ pour leur radicalité, mais que la droite n’entend pas défaire si elle revenait aux affaires, comme la fermeture des quais de Seine aux voitures ou les 1 400 km de pistes cyclables.

Prenant la parole en dernier, la maire de Paris a fait sienne la punchline de Kamala Harris à Donald Trump lors du premier grand débat de la présidentielle américaine : «Vous préférez faire campagne sur un problème que de résoudre un problème.» «Je pense que ça nous résume assez bien, et c’est le sens de cette démarche, qui est de trouver des solutions qui doivent être co-construites avec les Parisiens.» Pour Anne Hidalgo, le non à l’extrême droite puis la séquence des Jeux olympiques et paralympiques furent un «moment de révélation» du véritable état d’esprit des Français, qui ont signifié leur refus de «vivre dans la haine et de la peur».

«Oui, cet été, nous avons conjuré la peur», a conclu, énergique, celle qui n’a pas hésité à attaquer frontalement la direction du Parti socialiste lors de sa première interview politique de la rentrée, après le refus du PS de soutenir la candidature de Bernard Cazeneuve au poste de Premier ministre. Lors du pot qui a suivi, jeudi soir, la bière a coulé à flots autant que les spéculations : remise en selle par le succès des Jeux, Hidalgo va-t-elle briguer un troisième mandat ? Ou laisser Lamia el Aaraje, parfois présentée comme sa dauphine, se lancer dans l’aventure ? «La question se pose bien entendu de savoir ce que va être le casting, mais ce qu’on a voulu par cette démarche [la Grande Enquête, ndlr], c’est de construire un collectif, indépendamment du casting. Ensuite on verra ce que la maire décidera de faire, mais au moins ce collectif pourra proposer une alternative si elle ne devait pas se représenter», répond l’intéressée.

Nouvelle ère

Autre inconnue, les intentions d’Emmanuel Grégoire, bras droit d’Hidalgo depuis 2018, et longtemps considéré comme son successeur, mais en froid avec le PS parisien qui lui reproche d’avoir négocié une circo dans son dos. Présent à la soirée de lancement, le toujours conseiller de Paris s’est mêlé à la foule des militants sans rien dire de ses intentions mais, vendredi, il promettait aux abonnés de sa newsletter : «Comme député, mon engagement est et restera le même que celui qui m’anime depuis toujours : Paris.» Et donnait rendez-vous fin septembre pour «porter ensemble ces combats et préparer les échéances à venir».

Du côté des proches d’Anne Hidalgo, on ne voit pas ce qui empêcherait la maire de se représenter. L’usure du pouvoir ? «C’est courant, trois mandats pour un maire, surtout quand on agit. De plus, je ne sais pas ce qu’elle décidera, mais elle a une légitimité extrêmement forte, du leadership et continue à avoir une vision créative pour Paris», commente l’ancien sénateur PS David Assouline. Et l’ambiance à l’Hôtel de ville, où les équipes sont encore sur un petit nuage, n’a rien de celle, plombée, d’une fin de règne. Surtout, Anne Hidalgo est convaincue que les Jeux olympiques représentent un «moment stratégique sur le plan national dans la lutte contre le populisme, qui se confond d’ailleurs avec l’anti-parisianisme». C’est pourquoi l’édile insiste : les JO ne sont pas une «parenthèse enchantée» aussitôt refermée, mais le début d’une nouvelle ère. «Quelque chose s’est levé qui ne s’arrêtera pas», disait Ségolène Royal, le soir de sa défaite à la présidentielle de 2007. «Avec les Jeux, il s’est passé quelque chose de profond dans la société française», lui fait écho Anne Hidalgo. Qui espère surfer le plus longtemps possible sur la vague, comme Kauli Vaast, champion olympique de surf, à Teahupo’o.

(1) Un concept qui prévoit que l’on peut tout faire (les courses, du sport, se soigner, se cultiver etc.) à 15 minutes de chez soi.