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Paris : réserver une voie du «périph» au covoiturage, le bras de fer entre Pécresse et Hidalgo

Selon les résultats de la consultation lancée par la région, une majorité des Franciliens serait contre la neutralisation d’une file du périphérique pour l’autopartage, les bus et les véhicules propres. La mairie de la capitale, qui y voit une manœuvre de la candidate à la présidentielle, a attaqué en justice ce référendum très politique.
A Paris, le 31 décembre. 18% des usagers du périphérique seulement vivent au sein de la capitale. (Cyril Zannettacci/Vu pour Libération)
publié le 1er décembre 2021 à 22h03

Après la piétonnisation des voies sur berge, la ville de Paris et la région Ile-de-France s’affrontent sur un nouveau terrain, sur fond de match pour la présidentielle entre Anne Hidalgo, maire socialiste de la capitale, et Valérie Pécresse, présidente Les Républicains de la région. Le projet : réserver une des voies du périphérique parisien à l’usage exclusif du covoiturage et des bus après les Jeux olympiques de 2024. Pour le torpiller, Valérie Pécresse a lancé le 10 novembre une consultation en ligne.

«Pour ou contre la suppression d’une voie pour tous du périphérique ?» La question posée était un tantinet biaisée, puisqu’il ne s’agit pas de supprimer une file, mais de la réserver au covoiturage, transports en commun voire véhicules électriques afin d’en faire «une voie plus rapide» pour ces transports moins polluants. Ce nouvel usage n’interviendrait qu’à l’issue des JO, pendant lesquels elle sera réservée aux participants (athlètes, officiels, personnel médical).

69% des usagers de petite et de grande couronne

Or, selon les résultats de la consultation dévoilés ce mercredi, neuf Franciliens sur dix (90,2%) ont exprimé «un rejet massif du projet de la ville de Paris», trompette la région, qui se félicite également d’une «participation très élevée» avec près de 80 000 votants. Parmi les motivations des opposants, «le risque d’augmentation de la congestion et de la pollution» ou «le danger associé à l’insertion et à la sortie de la voie réservée», fait valoir la région.

L’association 40 millions d’automobilistes avait encouragé les usagers à participer à la consultation, estimant «inconcevable qu’une minorité verte déconnectée de toute réalité puisse prendre en otage les millions d’automobilistes qui ont besoin de se déplacer chaque jour via le périphérique».

Le «périph» compte quotidiennement 1,1 million de déplacements, surtout effectués par des banlieusards : 69% des usagers viennent de petite et de grande couronne, contre seulement 18% de Paris, fait valoir la principale association de défense des automobilistes, qui avait déjà fait campagne contre la piétonnisation des voies sur berge. Elle pointe aussi du doigt un «problème de compétences» concernant la gestion de ce cordon routier de 35 kilomètres, «qui ne devrait pas être du ressort de la seule municipalité de Paris, mais de la région, qui est la mieux placée pour prendre en compte les intérêts de l’ensemble des usagers».

Référendum jugé illégal

Valérie Pécresse a d’ailleurs demandé à l’Etat de revoir le statut de cet équipement pour qu’il soit traité comme «une infrastructure régionale» et exigé «des études d’impact» avant que le projet ne soit lancé. La mairie de Paris a riposté jeudi en annonçant son intention d’assigner la région au tribunal administratif, jugeant ce référendum illégal.

Pour Emmanuel Grégoire, le premier adjoint d’Anne Hidalgo, «cette annonce de consultation est l’annonce de la candidate Valérie Pécresse» à la primaire interne aux Républicains, a-t-il ironisé lors d’une conférence de presse. Face aux critiques, l’élu à l’urbanisme met en avant une étude réalisée fin 2020 par la mairie auprès de 4 000 usagers du périph, aux résultats pourtant mitigés. Ainsi, réserver une file aux seuls véhicules propres entraîne un «rejet très majoritaire», notamment parce qu’elle est vue comme «discriminante sur le plan social», mais la consacrer au covoiturage est perçu avec «une certaine légitimité de principe malgré les interrogations sur la mise en œuvre».

Quelle que soit l’issue de ce nouveau bras de fer, une chose est sûre : la France a, sur ce sujet comme sur d’autres, du retard. Alors que «l’autosolisme» – le fait d’être seul à bord d’une voiture – est un facteur majeur de pollution, les voies réservées à «l’autopartage» existent depuis belle lurette sur les highways américaines, la Californie ayant ouvert le chemin. La Convention citoyenne pour le climat avait proposé, en juin 2020, de généraliser l’aménagement de ces axes et la proposition a été reprise dans l’article 124 de la loi climat et résilience, qui devrait accélérer leur déploiement à l’échelle nationale dans les trois prochaines années. Pour l’instant, Grenoble et Lyon font figure de pionnières, avec la mise en place de voies réservées sur les axes autoroutiers les desservant.