Une solution miracle ? Pour justifier sa décision d’abaisser la vitesse maximale de 70 km/h à 50 km/h sur le périphérique parisien à partir du 1er octobre, la mairie de Paris fait valoir, depuis plus d’un an, un argument phare : «Moins de pollution, environnementale et sonore.» Mais à une semaine de l’entrée en vigueur de cette limitation, le nouveau ministre des Transports, François Durovray, a pilé net. Il s’est dit mardi «pas convaincu» par le projet et ses potentielles répercussions positives sur la problématique «du bruit et de la pollution». «Les études montrent que ce n’est pas forcément la bonne façon d’y parvenir», a-t-il argué.
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«C’est vrai qu’il n’y a pas d’étude d’impact, c’est purement théorique», concède Fanny Mietlicki, directrice de l’observatoire francilien de référence, Bruitparif. Dans la théorie donc, et en partant du principe que les automobilistes respecteront la nouvelle réglementation, l’ingénieure de formation anticipe une baisse de deux à trois décibels aux abords du périphérique. Surtout la nuit, «le moment où le bruit est le plus gênant pour les riverains», souligne celle dont l’association milite depuis plus de dix ans pour un tel abaissement de la limitation de vitesse. En revanche, pour une réelle sensation de «bruit divisé par deux» dans les oreilles, il faudrait plutôt «six à dix décibels en moins», précise-t-elle.
«Le périphérique est un enjeu sanitaire»
En journée, les bienfaits se feront encore moins remarquer. A l’heure actuelle, les automobilistes qui empruntent le boulevard urbain roulent rarement à 70 km/h : en réalité, la vitesse moyenne entre 7 heures et 21 heures est de 36 km/h, déjà bien en dessous de la limitation voulue par la mairie de Paris. «Il n’y aura donc quasiment pas d’impact sur le bruit», analyse Fanny Mietlicki, qui en veut pour preuve le précédent abaissement de 80 km/h à 70 km/h réalisé en 2014. Résultat : une baisse d’environ 1,2 décibel sur le créneau de nuit, et seulement 0,5 décibel en journée.
Pour la qualité de l’air, même son de cloche. «Le ministre des Transports n’a pas tort : théoriquement, une baisse de 70 à 50 km/h aura un effet très marginal sur les polluants», abonde Tony Renucci, directeur de l’association de lutte contre la pollution atmosphérique Respire. Et pourrait même présenter un caractère contre-productif. «Quand on roule à une allure plus réduite, typiquement à 50 ou 30 km/h, avec des redémarrages incessants, cela émet plus de polluants dans l’air. La congestion et les embouteillages ont un impact à la hausse sur les émissions.»
Pour aller plus loin
Mais sur le long terme, l’abaissement de la vitesse pourrait apporter de la fluidité à la circulation, comme l’avait noté l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) en 2014, et donc «d’émettre moins de gaz à effet de serre», boucle Tony Renucci. «Le vrai sujet, ce n’est pas vraiment “pour ou contre les 50”. Le périphérique, c’est un véritable enjeu sanitaire.» Avec plus d’un million de déplacements par jour estimés sur l’artère, le boulevard urbain possède une forte concentration de particules fines. «Et le risque d’asthme augmente de 30 % chez ceux qui vivent à moins de 500 mètres d’un grand axe routier», pointe du doigt le défenseur de l’air pur.
Végétalisation et feux rouges
Plutôt que d’abaisser la vitesse du périphérique, Tony Renucci et Fanny Mietlicki suggèrent surtout de le transformer. A commencer par la mise en place d’enrobés phoniques limitant les nuisances sonores, une pratique prônée par le ministre des Transports et la présidente de la région Ile-de-France. «Les revêtements de chaussées acoustiques sont très efficaces lorsqu’ils viennent d’être posés, on gagne cinq à sept décibels», vante la directrice de Bruitparif. La ville de Paris n’a pas attendu le nouveau gouvernement pour le faire. «On a déjà recouvert plus de 50 % du périphérique, à proximité des zones habitées», vante le cabinet de Dan Lert, en charge de la transition écologique. Avec une baisse du bruit estimée entre 2,4 et 4,4 décibels. Cette solution demande tout de même de l’entretien, ces dispositifs perdant en performance au bout de dix ans. Et ils sont plus efficaces à 70 km/h qu’à 50…
Chronique «Ré/Jouissances»
«Ce qu’il faut, c’est en faire un vrai boulevard urbain et l’abaissement de la vitesse va dans ce sens-là», loue Tony Renucci. Il salue l’instauration d’une voie réservée au covoiturage (remise néanmoins en question par François Durovray) et liste tout le travail qu’il reste encore à faire : végétalisation de la chaussée, arrêt de la bétonisation sur ses côtés, mise en place de feux rouges… Pour faire du «périph» un boulevard parisien comme un autre.
Mise à jour le 30 septembre à la veille de l’expérimentation