Il a fallu une matinée à la tempête Aline pour parcourir le département des Alpes-Maritimes. Et c’est sur le village de Saint-Martin-Vésubie qu’elle s’est révélée la plus violente. «Deux ponts ont été emportés. Les habitants sont en train d’être évacués des HLM et des maisons car une route est partie», expose son maire, Ivan Mottet, à Libération. Entre 4 heures et 10 heures ce vendredi 20 octobre, le département des Alpes-Maritimes était placé en alerte rouge «pluie inondation». Une première depuis la tempête Alex de 2020.
La Vésubie montre son visage torrentiel : puissant et boueux, imprévisible et dangereux. Saint-Martin vit sa deuxième tempête en trois ans. Les travaux définitifs des deux ponts emportés devaient être lancés à l’été 2024. «C’est comme au jeu de l’oie, on retourne à la case départ. Je suis là pour mon village. On repart. On fait au mieux, se résigne Ivan Mottet, porte-voix de 1 300 habitants. Il pleut beaucoup donc on ne voit pas grand monde. Les gens sont sereins mais ils doivent en avoir marre, comme le maire. Ce n’est pas facile.»
Reportage
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, parle d’une «puissante tempête». Illico le président de la métropole, Christian Estrosi, lui demande «la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle le plus tôt possible». Pour le député Eric Ciotti, «la situation est préoccupante» dans la Vésubie. C’est que le vent a poussé le phénomène vers les vallées déjà ébranlées. Météo-France a enregistré «jusqu’à 200-250 mm très ponctuellement sur le Mercantour, notamment sur les vallées de la Roya, de la Tinée et de la Vésubie ainsi que sur l’arrière-pays grassois». Dans l’intérieur, les cumuls tournent autour de 120 à 150 mm. Sur le littoral, ils sont de l’ordre de l’ordre de 40 à 60 mm. «Le plus fort de l’épisode pluvieux est passé, rassure la préfecture. Encore 30 à 50 mm sont attendus sur l’ensemble du département.»
«La montagne peut toujours surprendre»
Les secours se sont levés aux aurores. Rassemblés dans le centre de supervision de la police municipale de Nice, vingt agents surveillaient déjà la tempête Aline à 5 heures du matin. La météo se lit en direct sur les écrans. Des vagues sur la promenade des Anglais, le vent sur le centre-ville, l’asphalte délavé sur les grands axes routiers. L’alerte «se justifie par la fragilisation des vallées», indiquait d’emblée la directrice du service prévention des risques de la ville de Nice, Anne-Marie Doglioli. Entre 3 et 4 heures, il était déjà tombé un mètre d’eau à Saint-Sauveur-sur-Tinée. Le fleuve Roya avait doublé son débit.
Derrière la tempête Aline se cache le spectre de la tempête Alex. Quand 500 mm d’eau se sont abattus sur les hauteurs des Alpes-Maritimes, dans la nuit du 2 au 3 octobre 2020, les fleuves ont tout emporté : des vies, des maisons, des routes. Pour les habitants du haut pays, cette vigilance est signe de nuit blanche. Certains ont été évacués, notamment dans la Roya. «On a un devoir, dans le souvenir de la tempête Alex, de montrer à notre population, qui à chaque alerte météo est inquiétée, que nous préférons mettre plus de moyens que pas assez, expose au petit matin le maire et président de la métropole niçoise, Christian Estrosi. On n’en fait jamais trop. La montagne peut toujours surprendre.»
Une journée mise sur pause
Les Azuréens s’apprêtent à passer une journée mise sur pause. Tout a commencé jeudi à 20 h 40 quand les téléphones se sont mis à sonner la même stridence. Le dispositif FR-Alert prévenait d’une «alerte extrêmement grave». «J’ai sursauté», raconte un Niçois. «C’est flippant», reconnaît un autre. Toutes les écoles, des crèches à l’université, sont fermées. Les centres commerciaux ne rouvriront que dans l’après-midi. Les bus sont à l’arrêt pour la matinée dans la métropole de Nice. Les parcs, jardins et plages sont interdits au public. A l’aube, un camping d’Antibes a été évacué.
Plus de 700 sapeurs-pompiers sont mobilisés, avec des renforts du Var et des Bouches-du-Rhône. «C’est calme niveau interventions, disait le colonel Pauletti à 5 heures. Ils sont sur le pied de guerre.» Car le vent pousse le phénomène vers les vallées déjà ébranlées. Un écran du centre de commandement montre l’activité météorologique. Et les prévisions : les nuages traverseront le département. Une deuxième vague de fortes précipitations est prévue dans la matinée. L’alerte rouge ne sera levée qu’à 10 heures.
Mis à jour à 12 h 45 : avec les dégâts dans la Vésubie et les déclarations du maire de Saint-Martin-Vésubie.