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Enlisement

Tour Eiffel : la grève reconduite pour un cinquième jour, Rachida Dati s’invite dans le conflit

Les salariés en grève ont à nouveau voté la poursuite de leur mouvement contre la gestion de la mairie de Paris, ce vendredi 23 février, en dépit des premières négociations. La nouvelle ministre de la Culture, elle, s’est prononcée pour le classement de la tour Eiffel en monument historique.
L'entrée de la tour Eiffel est close depuis lundi 19 février. (Eric Broncard/Hans Lucas. AFP)
publié le 23 février 2024 à 13h14

Toujours pas de fumée blanche. La tour Eiffel «n’ouvrira pas» vendredi 23 février, a déclaré le délégué syndical CGT Stéphane Dieu, selon qui la «seule avancée» pour l’instant est «que la mairie s’est mise à la table des négociations», cinq jours après le début du mouvement de grève lundi. L’intersyndicale, composée de la CGT et Force ouvrière, attend un «écrit de la ville» de Paris, actionnaire majoritaire de la Société d’exploitation de la tour Eiffel (Sete) pour poursuivre les négociations. Cet écrit doit faire suite à une réunion menée pendant quatre heures jeudi 22 février, et que le président de la Sete et conseiller de Paris Jean-François Martins a jugée «constructive».

Les organisations représentatives des salariés du plus célèbre monument touristique français mettent en cause la gestion financière de la Sete, dictée par la mairie de Paris, à qui ils reprochent de demander une hausse trop importance de la redevance versée à la ville, qui atteindrait les 50 millions d’euros. De quoi, selon les syndicats, limiter le budget disponible pour mener à bien les travaux nécessaires à l’entretien et l’exploitation de la tour et de son site, tout en menaçant à terme les recrutements et les rémunérations.

Les premières négociations sérieuses depuis le début du mouvement social ont eu lieu jeudi après-midi, entre les syndicats et la direction de la Sete. A leur issue, la Société d’exploitation de la tour Eiffel a assuré que la «sécurité financière» et «l’entretien patrimonial du monument», les deux griefs de l’intersyndicale, «seront garantis grâce à un avenant ambitieux auquel les salariés seront associés».

Le président de la Sete, Jean-François Martins, a notamment proposé «la création d’une instance de suivi permanent» de la trajectoire financière «afin de renforcer le dialogue avec la Ville» de Paris. S’y ajouterait aussi une éventuelle augmentation de 145 millions d’euros des investissements pour les travaux, «pour atteindre 380 millions d’euros».

Venue de Sophie Binet

Surtout, la Sete a tenté un étrange pas en avant, en affirmant qu’un «accord sera signé dans les quinze jours» au sujet des «conditions d’emploi et de rémunération» des salariés, portant notamment sur leur prime de rendement. Pourtant, les syndicats n’avaient jamais pas fait état de revendications salariales depuis le début de la grève, affirmant systématiquement se battre contre le modèle économique «intenable» imposé par la mairie.

En réaction, l’intersyndicale a fait savoir qu’elle attendait surtout «des avancées concrètes sur le modèle économique général» plutôt que «des tentatives de (la) direction de dévier le cœur du combat sur des questions salariales, ce que refusent les salariés».

Sur le sujet de l’augmentation de la redevance versée par la Sete à la mairie, principal grief des syndicats, la hausse de 8 à 50 millions d’euros a été confirmée, mais l’avenant prévoit désormais une «révision à la baisse des modalités de calcul», qui conduira in fine à «un effort» de 51 millions d’euros de la mairie, détaille la Sete, qui a également confirmé l’augmentation à venir des tarifs d’entrée de 20 %. Ceux-ci avaient déjà fortement augmenté en 2017.

Dans leur combat, les salariés du monument ont reçu jeudi la visite de la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, qui a demandé une redevance «raisonnable» à la mairie de Paris, afin que «la tour Eiffel ait suffisamment de moyens pour pouvoir investir et garantir l’entretien, notamment les travaux». Ils ont ensuite manifesté devant la mairie de Paris.

Autre personnalité publique à s’inviter dans le conflit jeudi 22 février : la nouvelle ministre de la Culture Rachida Dati, candidate déjà déclarée pour les municipales dans la capitale en 2026. La maire LR du VIIe arrondissement a estimé sur X (ex-Twitter) que la tour «n’a pas de protection suffisante» et qu’il est «nécessaire d’initier une procédure de classement» en monument historique afin de permettre à l’Etat d’organiser un «contrôle scientifique et technique» et «si nécessaire d’engager des travaux d’office» pour rénover le bâtiment. Bref, de reprendre des mains de sa rivale Anne Hidalgo la gestion du plus célèbre monument de France.

Rachida Dati a par ailleurs tenu à rappeler qu’elle avait déjà proposé en février 2022 à sa prédécesseuse au ministère de la Culture, Roselyne Bachelot, ainsi qu’à la maire de Paris, de placer le Champ de Mars sous la protection d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), avant que le projet de réaménagement des abords de la tour Eiffel ne soit finalement abandonné. Elle s’est également attribué l’alerte produite en 2020 par un rapport de la Chambre régionale des comptes sur les difficultés de gestion de la tour.

La plus longue grève de l’histoire de la tour

Avant sa fermeture lundi 19 février, la Dame de fer avait accueilli entre 17 000 et 20 000 visiteurs par jour, selon la déléguée syndicale FO Nada Bzioui. Les quatre jours de fermeture représentent une perte potentielle d’environ 70 000 entrées. La direction n’a pas communiqué sur les annulations entraînées par le mouvement social.

Ce conflit, qui avait déjà entraîné la fermeture du monument le 27 décembre, jour du centième anniversaire de la disparition de Gustave Eiffel, survient en pleines vacances scolaires d’hiver et à cinq mois des Jeux olympiques de Paris. Une nouvelle assemblée générale est prévue samedi matin. Si le mouvement devait perdurer au-delà de dimanche après-midi, cette grève serait la plus longue de l’histoire récente de la tour, régulièrement émaillée de mouvements sociaux. A l’automne 1998, elle était restée fermée six jours et demi.

Mise à jour : à 15 h 31, avec l’ajout des déclarations du cégétiste Stéphane Dieu et de l’intersyndicale.