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Grève

Visite de Sophie Binet, manif devant la mairie de Paris… à la tour Eiffel, le bras de fer se poursuit 

La secrétaire générale de la CGT s’est rendue ce jeudi 22 février auprès des quelque 150 salariés du monument, mobilisés depuis quatre jours contre la gestion financière du lieu.
Sophie Binet devant la tour Eiffel, jeudi 22 février. (Dimitar Dilkoff/AFP)
publié le 22 février 2024 à 20h03

Un soutien de poids. Ce jeudi 22 février, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a tenu une conférence de presse au pied de la tour Eiffel, entourée d’environ 150 salariés du site, en grève depuis quatre jours contre sa gestion financière. Restée une petite demi-heure auprès de salariés qui ont multiplié les slogans, elle a tenu à rappeler les raisons de la colère : «Il ne s’agit pas d’une question de sécurité pour les visiteurs, mais d’un problème d’investissements pour l’avenir, notamment sur le financement du chantier de peinture, qui est beaucoup plus cher que prévu, parce qu’il y a du plomb qui a été découvert.» Initialement budgétée à 50 millions d’euros, la nouvelle campagne de peinture aurait déjà nécessité le double pour seulement 30 % du bâtiment de repeint, selon les syndicalistes. Contactée, la mairie n’a pas confirmé ces informations.

La seule consigne laissée par Gustave Eiffel concernant l’entretien de la tour était de la repeindre tous les sept ans, pour éviter la rouille. Dix ans après les derniers coups de peinture, les syndicats dénoncent un monument «dans un état de dégradation avancé». Sophie Binet s’est indignée d’une «gestion court-termiste de la tour Eiffel, qui risque de sacrifier notre patrimoine à moyen et long terme, comme l’a été Notre-Dame de Paris». Selon elle, «ça paraît invraisemblable que la mairie de Paris n’ait toujours pas reçu les syndicats».

«Gestion court-termiste»

Questionnée par Libé sur les déclarations du premier adjoint à la mairie de Paris Emmanuel Grégoire, qui a affirmé mercredi 21 février que la tour était «en très bon état», Sophie Binet a invité celui qui se rêve successeur d’Anne Hidalgo à venir visiter le monument pour constater les travaux de peinture en cours. «Ce n’est pas pour se faire plaisir, on ne va pas la repeindre en rose ou en rouge, même si on aimerait bien parfois», a-t-elle ironisé.

La Société d’exploitation de la tour Eiffel (Sete) contrôlée à 99 % par la mairie de Paris compte quelque 360 salariés, dont un tiers sont actuellement en vacances. L’entreprise publique a donc vu environ les deux tiers de ses effectifs actifs présents organiser le piquet de grève, d’abord au pied du plus célèbre monument de la capitale, puis sous les fenêtres de l’hôtel de ville de Paris.

Systématiquement revotée depuis lundi 19 février, la grève semble donc majoritairement suivie et soutenue par les salariés, qui se targuent d’un «très important taux de syndicalisation». Une mobilisation qui aura poussé la direction de la Sete à informer par SMS ce mercredi 21 au soir les représentants syndicaux qu’elle était désormais «ouverte» à de nouvelles discussions, «après nous avoir expliqué trois fois que le modèle économique était intangible», gronde le délégué syndical CGT Stéphane Dieu. «On n’appelle pas encore ça une ouverture de négociation, mais ça commence à frémir un peu», estime-t-il. Le président de la Sete et conseiller de Paris Jean-François Martins a affirmé à Libé que des «négociations sont toujours en cours», et qu’il ne s’autorise donc pas encore à faire des déclarations.

«En trente-cinq ans, je n’ai jamais vu ça»

Pour Clément Bain, élu Force ouvrière au comité social et économique de la Sete, le mouvement serait de l’ordre du jamais vu : «C’est énorme, en trente-cinq ans comme travailleur à la tour, c’est la première fois que je vois une mobilisation avec autant de gens dès 8h30 du matin.» Même son de cloche auprès de salariés syndiqués à la CGT interrogés sur le chemin de la mairie, leurs percussions réveillant les passagers du RER C : «On a déjà réussi à organiser des mouvements de grève importants, mais jamais durant une période de vacances scolaires !»

A l’approche du parvis de l’hôtel de ville, les syndicalistes s’amusent de la maire de Paris «Houhou, Annie, on arrive» – et redéploient leurs drapeaux sous les grandes bannières honorant l’entrée au Panthéon du résistant communiste Missak Manouchian. Aux cris de «tour Eiffel en danger, salariés mobilisés», et autres «la mairie endettée, tour Eiffel rackettée», certains osent des comparaisons plus ou moins heureuses. «Avec la Sete, la mairie de Paris se comporte comme une monarchie pétrolière, glisse un cégétiste. Elle la gère comme une rente, qui lui assure beaucoup d’argent pour éponger sa dette.»