Des syndicats, des associations identitaires, culturelles ou de solidarité, des collectifs de sans-abri mais aussi des familles ont marché dans le calme et en musique à Bayonne, sans rien lâcher sur une forte préoccupation dans la société basque : les conditions d’accès au logement dans l’agglomération qui recouvre tout le territoire, soit un bassin d’emploi de 310 000 habitants répartis entre 158 communes.
La tension monte sur le sujet depuis plusieurs mois, après quelques tags ou occupations d’agences immobilières ou de logements vacants. Derrière l’image d’un littoral préservé, d’une succession de villages authentiques, le Pays basque butte depuis plusieurs années sur une dégradation chronique des conditions d’accès au logement pour les locaux.
«On ne deviendra pas propriétaires»
La région est attractive pour les vacanciers qui font exploser le marché de la résidence secondaire et du locatif de courte durée. Parallèlement, elle ne cesse de gagner des actifs (solde démographique de +3 000 habitants par an) grâce à une économie qui se développe et un cadre de vie qui fait rêver. La région capitalise sur l’économie du surf, attire autant les people que la Côte d’Azur et cultive son identité : langue, culture, produits fermiers, fêtes de Bayonne.
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Dans la manifestation, Jean-Baptiste, 28 ans, ne descend pourtant pas souvent dans rue. «Je suis kiné dans un cabinet en ville. J’habite la petite commune côtière de Guéthary où je suis locataire avec ma copine. Il y a une résidence en construction dans notre rue : le promoteur affiche gaiement un T3 pour 700 000 euros. Un prix pareil, pour un T3… c’est pas non plus un château ! Avec des prix pareils, on ne deviendra pas propriétaire demain. Peut-être jamais.»
Avérée depuis plusieurs années sur la partie littorale, la tension gagne maintenant les communes de l’intérieur. «Même dans les villages de montagne, on ne compte plus les jeunes qui bossent à Bayonne ou Biarritz et qui rentrent tous les soirs chez papa et maman parce qu’ils ne trouvent rien», relate Jean-Pierre, la soixantaine et le béret venus de Saint-Palais, à 50 km de là. D’autres ont pris la direction de communes du sud des Landes, le département voisin, avec des distances domicile travail qui dépassent parfois 50 km.
«Injustice qu’il faut dénoncer»
Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de Droit au logement, a fait le déplacement. Il demande 30 % de logements sociaux, le respect des lois Dalo et la réquisition des logements vacants. «Il faut faire valoir un droit au logement stable, là où on vit. Réaliser des politiques d’urbanisme concertées avec les habitants. Nous allons prendre exemple de ce que vous faites ici pour le reprendre dans toute la France, par des locataires, des sans-logis, des mal-logés, par ceux qui ne peuvent plus acheter une maison pour loger leur famille. Nous espérons que tous ceux-là descendront dans la rue et de préférence avant l’élection présidentielle.»
Souvent visés pour manque d’anticipation intercommunale sur ce dossier, les élus tentent de reprendre la main. Pour Jean-René Etchegaray, le président UDI de la communauté d’agglomération et maire de Bayonne, «la difficulté d’accès au logement au Pays basque est une injustice qu’il faut dénoncer. C’est le jeu mortifère de la loi de l’offre et de la demande. L’intercommunalité vient de voter un programme local de l’habitat qui va permettre aux communes de recourir à tous les moyens juridiques (expropriation, préemption…) et financiers sous forme d’aides à la pierre. Mais il faudra aussi des réformes législatives ou réglementaires pour faire évoluer l’encadrement des loyers en zone tendue au Pays basque». Il réclame aussi une réforme «indispensable pour supprimer les avantages fiscaux scandaleux des propriétaires qui bénéficient de déductions sur les revenus des locations saisonnières. C’est une addition de politiques qui permettra d’endiguer cette spirale».
«Le marché continue de s’emballer»
L’élu d’opposition à Bayonne, Matthieu Bergé (PS), dénonce, lui, une politique publique qui a pris du retard. «Le programme local de l’habitat manque d’ambition même s’il a le mérite d’exister. S’il y a autant de monde dans la rue, c’est qu’il y a une urgence. Et le temps de mettre en place ce plan et que les projets se réalisent, le marché continue de s’emballer.»
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En toile de fond, le problème du foncier disponible, avec une rivalité entre logement et terres agricoles trop rares : «Ce n’est pas dans notre culture de faire du vertical [des immeubles plutôt que des maisons, ndlr], reconnaît Mathieu Bergé. Mais il va bien falloir s’y mettre y compris dans les villages.»