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Le temps des villes et des territoires: vidéos

Volonne, Martel et Le Porge : quand les villages se réinventent

Transition écologique : le temps des villes et des territoiresdossier
En partenariat avec la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu), zoom sur trois projets qui font bouger les politiques urbaines.
Reprendre en main le destin du village, au Porge (Gironde), en août 2020. (Eric Cowez/Getty Images)
publié le 20 mars 2024 à 5h36

Volonne (Alpes-de-Haute-Provence)

Créer des lieux participatifs

Volonne (1 650 habitants) a entrepris il y a dix ans un projet de requalification de son centre bourg, labellisé EcoQuartier, dans l’espoir de trouver un nouveau souffle. Sur le papier, la commune, à dix minutes de Sisteron et une heure d’Aix-en-Provence, ne manque pas d’atouts. Mais depuis les années 2000, elle décline à bas bruit. Pour contrecarrer cette «logique de déprise» et accompagner le projet de requalification, sa maire, Sandrine Cosserat, a demandé aux chercheuses Emeline Hatt et Séverine Bonnin-Oliveira, dans le cadre d’un partenariat avec Popsu, de mettre en place une «démarche de participation citoyenne et de coconstruction de l’action publique», avec l’idée de «mobiliser les gens», de mieux les «intégrer». Un jardin partagé au cœur du village a déjà permis de retisser des liens, même si l’articulation de cette initiative citoyenne avec le travail des jardiniers municipaux est loin d’être évidente.

Mais l’initiative qui rencontre le plus de succès est la Gratuiterie, qui a vu défiler dix mille «clients» depuis son ouverture il y a trois ans. Comme son nom l’indique, c’est une boutique solidaire où l’on trouve de tout, sans avoir à payer : un étudiant désargenté qui cherche à équiper son studio y trouvera des ustensiles de cuisine, donnés par une personne qui, elle, n’en avait plus besoin. La municipalité a mis un local à disposition du collectif qui gère cette recyclerie mais la collaboration n’est pas plus poussée.

Emeline Hatt et Séverine Bonnin-Oliveira se sont efforcées de formaliser les relations entre l’équipe municipale et les porteurs de projet. A cette fin, elles ont rédigé un livret, une sorte de charte de bonne conduite. Conclusion provisoire : «La proximité est un levier» pour refaire société ensemble, mais «être un village participatif ne se décrète pas».

Martel (Lot)

Apprendre à gérer le tourisme

«It s very nice, it’s very french» : charmant village du Lot, élu parmi les «Plus beaux villages de France», Martel (1 600 habitants) est une destination touristique prisée, en particulier des Britanniques. A priori, cette attractivité est une chance : le tourisme lui apporte un rayonnement et de nouveaux habitants, souvent âgés, qui décident d’y acheter une résidence secondaire après avoir visité par hasard cette cité médiévale. Revers de la médaille, Martel compte beaucoup trop de volets fermés, qui ne s’ouvrent qu’en mai. Un restaurateur se plaint que sa table soit trop dépendante de la saisonnalité. Un «yo-yo» ingérable : soit il manque de personnels, soit il manque de clients… Surtout, une «tension immobilière commence à se faire sentir», reconnaît le maire Raphaël Daubet.

Et ce problème d’accès au logement, dans une commune qui affiche un taux de 25 % de résidences secondaires (le double de celui du département), ne concerne pas que les saisonniers, mais tous ceux qui travaillent – ou aimeraient y travailler – à l’année. A commencer par les employés de l’usine Solève, en pleine expansion, située aux abords du village. Mais comment recruter des salariés s’ils ne peuvent pas se loger ? Comment maintenir des services publics dans une ville en voie de muséification ? Et comment maintenir une activité commerciale toute l’année – et pas seulement d’avril à septembre ?

Pour relever ce défi, la ville s’est adjoint les services de François Taulelle, professeur à l’Institut national universitaire Champollion dans le cadre d’un partenariat avec Popsu. Après un diagnostic, le chercheur s’est attaché, main dans la main avec le maire, à définir une politique de l’habitat qui serve les habitants sans faire perdre à la ville son attrait : elle consiste à créer un maximum de logements locatifs, mais en privilégiant la réhabilitation de maisons de bourg inoccupées ; la sortie de la vacance plutôt que la construction de lotissements en périphérie. Quant aux commerces, un charcutier a accepté de tenter l’aventure d’une implantation à l’année. Le premier hiver a été rude, mais il n’a pas baissé son rideau métallique.

Le Porge (Gironde)

Reprendre en main le destin du village

Situé dans le bassin d’Arcachon, le Porge est elle aussi victime de son attractivité : cette commune littorale de 3 300 habitants a connu ces dernières années, en raison de sa proximité avec la métropole bordelaise, un développement urbain qui menace son identité et son vivre-ensemble. Les habitants historiques disent ne plus reconnaître «leur» Porge, où les lotissements ont poussé comme des champignons, sur fond de division parcellaire accélérée. Surtout les plus âgés qui ont connu le temps, pas si lointain, où les muletiers traversaient le village jusqu’à la gare, bardés de bois provenant de la forêt domaniale. «C’était une commune rurale, avec sa forêt et son esprit village, mais la pression démographique fait qu’on est en train de perdre notre identité, car ça se construit un peu partout de manière anarchique», déplore la maire Sophie Brana.

Comment reprendre le destin de la ville en main ? C’est la question au cœur du partenariat noué avec Popsu, et les chercheuses Ghislaine Deymier et Myriam Casamayor, de l’Université Bordeaux Montagne. Comme la ville devait réviser son Plan local d’urbanisme, elles ont eu l’idée d’y associer les habitants, anciens comme récents, afin d’écrire collectivement une nouvelle page du Porge. En effet, quelle plus belle occasion que cette démarche communale, qui s’inscrit dans le temps long, pour «se donner des règles de constructibilité à l’échelle de la parcelle», mais aussi «réfléchir à l’organisation du territoire, au paysage de demain» ? comme le résume l’urbaniste Myriam Casamayor.

Parmi les objectifs, pacifier les conflits d’usage, dont le principal porte sur l’utilisation de la forêt privée : les néoruraux la voient comme un lieu de promenade à préserver, ne retenant que son usage récréatif, son exploitant défendant une source ancestrale de revenus. Quel que soit son usage, elle est menacée par l’urbanisation. Cependant, «la recherche menée par Popsu a montré qu’il ne fallait pas avoir peur de la densification urbaine, qu’elle était compatible avec la qualité architecturale», selon Sophie Brana. Il suffit de sortir des sentiers battus, en imaginant des «jardins sur des terrasses». S’élever plutôt que s’étaler.