Le Collectif Handicaps ouvre le bal des bilans. Un mois avant le vingtième anniversaire de la loi du 11 février 2005, qui a marqué un tournant en matière de droits des personnes handicapées, le collectif de 54 associations en a dressé son inventaire, ce mardi 14 janvier, lors d’une conférence de presse. «Cette loi a créé de l’espoir. Depuis, elle a été détricotée et son application est loin d’être satisfaisante», résume Arnaud de Broca, son président. Alors qu’une nouvelle proposition de loi handicap est dans les tuyaux, portée par les députés Sébastien Saint-Pasteur (PS) et Antoine Vermorel-Marques (LR), et que l’Assemblée nationale comme le Sénat, entre autres, ont prévu de dresser leur propre évaluation de l’application du texte de 2005, le Collectif Handicaps n’appelle pas à un nouveau texte. «On n’est pas du tout dans la situation de 2005, où la loi de 1975 avait fait son temps. En priorité, il faut se donner les moyens d’appliquer les dispositions de la loi de 2005», défend Arnaud de Broca, même si «ça ne veut pas dire que la loi est parfaite».
Alors que seul un établissement recevant du public (ERP) sur deux est accessible, que les aides financières et humaines octroyées varient d’un département à un autre ou que le taux de chômage des personnes handicapées est deux fois plus élevé que celui de la population générale, les chantiers sont nombreux. Le Collectif Handicaps a listé 200 propositions, dont une vingtaine sont jugées prioritaires, et donne rendez-vous le 10 février place de la République, à Paris, pour «une mobilisation générale de soutien aux personnes handicapées et de défense de leurs droits, explique Michaël Jérémiasz, champion de tennis fauteuil et président de l’association Comme les autres. Après les Jeux olympiques et paralympiques, tout le monde vous interpelle pour vous dire à quel point c’est formidable, mais dès le lendemain, c’est la gueule de bois de la réalité du quotidien, avec la difficulté d’accéder à une pratique sportive libre, de se déplacer… Il n’y a pas une journée où je ne suis pas, moi, individu de 43 ans en fauteuil roulant pourtant privilégié, victime de discrimination. On n’a pas le temps d’attendre encore deux, trois, quatre générations pour qu’une personne handicapée puisse jouir des mêmes droits qu’une personne dite valide.»
La cinquième branche de la Sécu, «une coquille vide»
Un des gros points noirs étant l’accessibilité des bâtiments – la loi de 2005 donnait dix ans aux ERP pour se mettre en conformité, puis de nouveaux délais ont été octroyés –, le Collectif Handicaps appelle à durcir le ton auprès de celles et ceux qui ne sont toujours pas accessibles. «On est allés au bout de l’incitation, il est temps de recourir maintenant à des sanctions», défend Arnaud de Broca, sans plus de précisions, les modalités devant faire l’objet de négociations.
Autre motif de mécontentement : la cinquième branche de la Sécurité sociale, dédiée à l’autonomie des personnes âgées et handicapées. «Ça reste une coquille vide, faute de vision politique à long terme et de moyens dédiés», tacle Luc Gateau, président de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales, et de leurs amis. Rien que sur le volet handicap, 12 milliards d’euros de financement supplémentaires seraient nécessaires, a estimé le collectif. Qui «appelle à une cinquième branche de la Sécurité sociale forte, avec des financements pluriannuels basés sur les besoins des personnes», plaide Luc Gateau.
Alors que la loi de 2005 ouvrait un droit à la compensation (c’est-à-dire le financement d’aides humaines et techniques, notamment), celui-ci «reste largement ineffectif aujourd’hui et l’accès à ce droit relève encore trop souvent du parcours du combattant», relève le collectif. «Les délais d’instruction d’aide s’allongent et les procédures demeurent complexes. Les personnes doivent attendre plus de six mois, voire un an, pour accéder à une aide pourtant vitale, pointe Vincent Harel, coordinateur du Collectif Handicaps en Meurthe-et-Moselle. Il est nécessaire de mieux doter les maisons départementales des personnes handicapées et d’harmoniser leurs pratiques.» Les associations appellent également à la création d’un revenu minimum d’existence au moins égal au seuil de pauvreté, un plan de lutte contre les licenciements pour inaptitude des personnes handicapées ou la mise en place d’observatoires territoriaux des besoins.