Rome, imperméable au monde moderne ? Sans doute. Et cela participe à son charme, dans un contexte de mondialisation galopante. Mais cette immuabilité peut aussi agacer : deux lignes de métro qui se battent en duel, impossible de remettre en question la qualité du café (on est en Italie, donc c'est bon), partout les mêmes osteria dupliquées à l'infini… Bonne nouvelle ! Certains quartiers de Rome se laissent tenter par le changement, sans pour autant renoncer à leur spécificité.
Pigneto, le Montreuil local. Dépaysement garanti. Situé au-delà de la gare Termini, ce quartier est bien desservi par les trams (5, 14 et 19) depuis lesquels on observe le changement de décor. C'est de plus en plus roots, notamment quand on passe la piazza di porta Maggiore, ou plutôt ce qu'il reste de cette porte érigée en l'an 52, devenue une petite cour des miracles. Les Américains disent que Pigneto est le Brooklyn local, on pense plutôt à un genre de Montreuil : un quartier résidentiel, pris d'assaut par les poussettes, les tatoués et les vélos. Son charme se concentre dans l'extrémité ouest de la via del Pigneto, piétonne - alléluia car Rome est saturé de voitures - où se trouve une brochette d'échoppes cools. Au 39, par exemple, Tuba Bazar fait à la fois librairie, bar et boutique de sex-toys, le tout dédié à la femme. Les hommes sont aussi bienvenus, et tout le monde peut boire des spritz en grignotant du fenouil, profiter de la terrasse et du service aimable (chose rare).
Tuba, comme tous les troquets du quartier, sert un honnête aperitivo où, pour 8 euros, on continuera avec un plateau de fromages et de charcuterie. Si on veut échapper à l'apéritif romain, tout près, Primo (au numéro 46) se donne du mal pour cuisiner des bons produits de saison dans un cadre coquet. Si on s'aventure hors de ce strip, mieux vaut s'équiper d'un GPS car la plupart des adresses sont cachées dans des ruelles où rien n'indique a priori la présence d'un rade sympa. C'est le cas de Yeah !, bar où groupes et DJ se succèdent le week-end (via Giovanni de Agostini, 45).
Monti, le bohème. Moins radical, Monti est un quartier central plutôt délaissé par les touristes, mais le potentiel de ce labyrinthe de ruelles pavées aux bâtiments ocre n'a pas échappé aux CSP+, qui achèvent sa gentrification. Monti garde pourtant un esprit bohème et concentre un nombre étonnant de bonnes adresses. Non loin de la piazza della Madonna dei Monti, flanquée d'une fontaine Renaissance, il y a la Casetta (via della Madonna dei Monti 62), un lumineux café dans un immeuble du XVe siècle recouvert de lierre. Pour le déjeuner, ne pas manquer Aromaticus (via Urbana 134), un formidable croisement entre boutique de jardinage et une cantine de haut niveau.
Le charme de Monti réside en partie dans son entourage : il est bordé à l'ouest par le Forum, dont on aperçoit régulièrement les ruines (sans se coltiner la nuée de touristes qui va avec, héhé), au nord par le Palazzo delle Esposizioni, grand centre culturel néoclassique du XIXe qui vient d'être restauré. Il propose des expositions classiques, type Le Caravage, ou plus dépaysantes, comme celle sur Gianni Berengo Gardin, photographe italien maître du noir et blanc.
Enfin, pour ceux qui ne rêvent pas de culture, rappelons que la Gelateria del Teatro est la meilleure de Rome, à trois minutes de la piazza Navona (via dei Coronari, 65) : sa glace au tiramisu mérite à elle seule un aller-retour dans la capitale italienne.