Le dos bloqué, les poumons envahis par la pollution, un duo stress-angoisse à un niveau olympique… Le diagnostic est sans appel, vous souffrez d’urbanite aiguë. Une consultation s’impose : celle de la carte géographique de Provence, véritable armoire à pharmacie à ciel ouvert, achalandée dans un cadre paradisiaque. La mer turquoise qui n’est jamais bien loin, les cigales en bande-son, un léger mistral pour atténuer juste ce qu’il faut la chaleur écrasante du soleil… Ne vous reste qu’à choisir le cadre pour votre thérapie parmi les multiples paysages de garrigue, de plaines piquées de lavandin ou de forêts qui composent la région, à quelques kilomètres des grandes cités.
Pour bénéficier d’un traitement, pas besoin de votre numéro de Sécu. Il suffit d’une bonne paire de chaussures, d’un guide expert de préférence et d’ouvrir l’œil (1). Voici notre cocktail ; le décor et la luminothérapie étant offerts par la maison.
1 Le thym, envers et contre toux
L’avantage, avec le thym, c’est qu’on ne le rate pas. Pas seulement parce que le petit buisson vert, avec ses mini-feuilles pointues, nous est familier, mais surtout parce que son odeur, qui s’invite dans les brochettes et les infusions, est facilement repérable. Voilà le drame du thym : à force d’en manger, on en oublierait presque ses vertus thérapeutiques, particulièrement pour lutter contre les toux en tous genres. Faites une fleur à vos bronches, pratiquez quotidiennement l’infusion de thym et offrez-leur, pour la forme, l’atelier senteurs organisé par l’écomusée de la Sainte-Baume, l’un des «hot spots» des plantes aromatiques provençales.
Situé entre Aix, Marseille et Toulon, le massif de la Sainte-Baume, avec sa roche calcaire ouverte au soleil tapageur, est un terrain de jeu parfait pour le thym et ses consœurs odorantes. Notez bien que l’on respire, mais on ne ramasse pas… Il est également interdit de ne pas pousser sa marche à travers la sublime forêt de chênes et de pins sylvestres jusqu’à la fameuse grotte qui chapeaute le site à 950 mètres d’altitude. C’est là, dit-on, que Marie-Madeleine aurait passé les trente dernières années de sa vie. Et sans problème de toux, selon la légende…
2 Le millepertuis, un remède du feu de Dieu
Une jolie petite fleur jaune à cinq pétales, avec des pistils dans tous les sens, s’est donné pour ambition de détrôner le Prozac dans le cœur des dépressifs… Si le débat sur le sujet fait rage, notamment sur le front des interactions médicamenteuses - consultez pour cela le site de l’Agence française du médicament -, la plante a d’autres qualités, entre autres celle de «soigneuse de feu», nous disent les anciens. Vincent Blondel, guide naturaliste, vous la présente lors de sa virée «plantes médicinales» organisée dans la forêt des Morières, près de Méounes-lès-Montrieux, dans le Var.
Le millepertuis pousse le long du chemin qui monte jusqu’à une chartreuse, où vivent encore quelques moines. Pour atteindre l’édifice, sans trop forcer sur les muscles, il faut traverser une forêt particulièrement verte pour la région. Aux côtés de la salsepareille, de la mélisse et autres nombrils de Vénus, notre herbacée s’identifie à la couleur rouge qu’elle laisse sur les mains lorsqu’on écrase sa fleur.
Là encore, on ne peut pas cueillir - le site est propriété de l’Office national des forêts -, simplement regarder et, surtout, apprendre : il faut environ un bol de fleurs pour un litre d’huile (d’olive ou d’amande, par exemple). Laissez macérer quarante jours pour obtenir un liquide pourpre particulièrement efficace contre les coups de soleil ou les courbatures. Le mélange s’applique le soir (surtout pas avant de s’exposer au soleil), mais attention aux draps, qui risquent eux aussi de voir rouge.
3 Le plantain, une chance au grattage
Et dire que vous en piétinez régulièrement, dans votre jardin ou sur un coin de trottoir, sans même savoir qu’il est l’allié idéal contre l’agresseur en chef de vos étés : le moustique. Certes, le plantain ne paye pas de mine. Difficile de s’extasier devant sa fleur marronnasse, à peine sertie d’une mini-collerette blanche. Pourtant, son pouvoir est magistral pour soigner les piqûres d’insecte ou l’eczéma. Il suffit de froisser entre ses mains une feuille de plantain lancéolé - celui aux feuilles allongées -, de l’appliquer sur la peau et de laisser le charme de l’antihistaminique naturel agir.
Pour l’observer, optez pour une virée grandeur nature dans le parc national des Calanques, aux portes de Marseille, où de nombreuses espèces de plantain ont élu domicile, au détour d’un sentier escarpé plongeant sur la mer. Dans le Var, sur les chemins de la forêt des Morières, Vincent Blondel tentera même de vous faire goûter la tête de la plante pour chercher, derrière l’âpreté, le léger goût de champignon. Pour le ramasser, misez sur les territoires périurbains, comme ceux que traverse le GR 2013, l’itinéraire métropolitain mis en place dans le cadre de la capitale européenne de la culture.
4 L’ortie, à l’aise Blaize !
Sa brûlure tenace a laissé des traces dans nos mémoires d’enfant. Et pourtant, les naturalistes l’affirment : s’il ne fallait garder qu’une plante, ce serait l’ortie. Le végétal est aussi désagréable de prime abord que serviable si on prend le temps de le connaître.
En tisane, on le préconise contre les douleurs articulaires et pour tous les soucis diurétiques. Un gargarisme à base d’infusion d’orties peut aussi terrasser un aphte ou le mal de gorge. En lotion, la plante combat même l’acné !
Pour le CV détaillé et la panoplie complète des produits disponibles, pas la peine de courir les routes. Il suffit de pousser la porte du Père Blaize, véritable Mecque marseillaise pour qui s’intéresse au pouvoir médicinal des plantes. L’herboristerie, créée il y a deux siècles par un guérisseur débarqué des Basses-Alpes, a été reprise il y a trois ans par Cyril Coulard, herboriste mais aussi authentique docteur en pharmacie. De quoi offrir un parfait mélange entre pratiques ancestrales et propriétés scientifiques. Dans l’officine au décor digne d’une succursale de Poudlard, près de 1 000 plantes sont déclinées en huiles essentielles, infusions, crèmes et autres gélules.