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Libération
Billet

Le refuge insulaire

Sous le soleil exactementdossier
Heureux qui, comme Ulysse, part faire un beau voyage, pour y trouver l'inspiration et la sagesse...
(Benjamin Mercadier / Flickr)
par Eva Tapiero
publié le 18 juillet 2019 à 16h31

Il faut se mettre sur la pointe des pieds et se pencher (presque) dangereusement pour l’apercevoir. Du bateau déjà, cette terre de promesses qui doit nous offrir un séjour studieux déploie ses atours. Le minuscule port ouvre ses bras pour nous accueillir. A peine 8h30 et la mer a déjà changé de couleurs une dizaine de fois devant les yeux des rares promeneurs. L’air est doux et rempli de l’odeur des figuiers. Le léger va-et-vient des vagues semble commander nos paupières qui s’ouvrent et se ferment au même rythme.

Les passants marchent lentement, en suivant méticuleusement la ligne d’ombre qui part des murs blancs étincelants des habitations. La journée sera chaude. Un papillon se laisse aller, emporté par la brise qui découvre les feuilles scintillantes des oliviers. Un autre monde existe-t-il ? Le stylo aussitôt entre les doigts, l’île hellénique a l’effet escompté, les pages noircissent, l’inspiration est là.

C'est le voyage qui agit, tranquillement, comme un puissant stimulateur de l'esprit. Dans son dernier roman à paraître, Je ne reverrai plus le monde, l'écrivain turc Ahmet Altan confie qu'il peut «écrire n'importe où» puisque le monde extérieur n'existe plus pour lui lorsqu'il commence sa besogne. Des geôles, dont il est prisonnier depuis septembre 2016, il confie: «le fait d'écrire contient ce paradoxe fabuleux qu'il est à la fois un refuge à l'abri du monde et un moyen de l'atteindre».