Trois minutes à jouer, les Blacks mènent 20-16, la France décide de
déboucher une bouteille de rugby champagne.
3 JUILLET. Au bout de la terre, les Français marquent un essai du bout du monde Trente secondes de génie, à ranger parmi les icônes d'Ovalie, à comparer avec cet opéra donné à Cardiff le 23 janvier 1973 par les Barbarians face aux All Blacks. Oui, l'essai de Sadourny cet été contre la Nouvelle-Zélande renvoie à celui de Gareth Edwards, à la quatrième minute, où l'ouvreur Phil Bennett, dans ses vingt-deux mètres, avait déchiré une page d'anthologie du rugby, écrite par sept joueurs ivres de jeu.
Ce dimanche 3 juillet 1994, à Auckland, les All Blacks, battus 22-8 huit jours plus tôt à Christchurch, croient tenir une revanche face aux Français. Ils mènent 20-16, il reste trois minutes à jouer et, après une prise en touche et un regroupement, leur ouvreur Steve Bachop tape un long coup de pied vers les vingt-deux mètres français. Olivier Merle, seconde ligne, se souvient: «On s'était bien battus, on y croyait encore, on attendait quelque chose; j'ai tourné le dos aux Blacks, je me suis mis dans l'axe du ballon pour gêner leur progression et j'ai tout de suite compris que ça allait bouger.» Derrière sa ligne des vingt-deux, Philippe Saint-André, ailier et capitaine des Bleus, venait juste d'échanger deux mots avec Jean-Luc Sadourny, l'arrière: «La prochaine, même si elle est pas bonne, on allume.» Il récupère la balle, hésite à peine «logiquement, je devais taper en touc