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Chasse aux sorcières

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publié le 20 juin 1995 à 6h06

Chasse aux sorcières

Une hutte en pisé au toit de raphia et au sol en terre battue. Pour seul mobilier, une petite table et une vieille machine aux touches défoncées sur laquelle Shubert tapote consciencieusement. Le secrétaire de la cheftaine Agnes Moloto achève un rapport pour la police de Petersburg, capitale du Nord-Transvaal, à 20 kilomètres de là. «Les sorcières se portent mieux, écrit-il, même si elles ne sont pas encore autorisées à rentrer au village.» A la mort de son époux, il y a quatre ans, Agnes Moloto a hérité d'une situation inextricable. Les jeunes de son district se sont assignés la mission d'abattre toute personne soupçonnée de sorcellerie. A raison d'une centaine de crimes par an, Agnes a épuisé tous les charmes d'une fonction qu'elle ne voulait pas: séances de lamentations, funérailles et visite à Helena, le village où les prétendues sorcières se sont réfugiées sous sa protection et celle de la police, furent son lot presque quotidien.

En s'attaquant aux personnes soupçonnées d'avoir profité de l'ancien régime, ces jeunes en rupture de banc, issus de la plus pauvre et la plus arriérée des provinces, mêlaient frustrations politiques, culture de violence venue des townships urbains et croyances ancestrales.

Aujourd'hui, plus d'un an après les élections, la situation s'est sensiblement améliorée. Nelson Mandela a restitué aux chefs le rôle essentiel de garant de l'autorité. Plusieurs fois dans le mois, Agnes Moloto écoute donc plaignants et suspects. Et plutôt