Saint-Brieuc,
envoyé spécial Avec ce temps-là, ils vont être un million, peut-être un million et demi au bord des routes pendant ces trois jours en Bretagne. On mérite bien ça. La Bretagne a tellement donné au vélo.» Le visage de Bernard Hinault, dernier vainqueur français d'un Tour de France il y a dix ans, laisse sourdre une imperceptible émotion (voir portrait du «Blaireau» en dernière page).
Sur la route qui serpente jusqu'au port du Légué, à Saint-Brieuc, ils sont des dizaine de milliers en procession pour applaudir les coureurs qui donneront samedi soir les premiers coups de pédale du Tour 95 à l'occasion d'un prologue de 7,3 km. Pour l'heure, les équipes défilent sur le pont de vieux gréements aux noms chargés d'histoire de marins et pirates, Notre Dame de Rumengol, la Grande Hermine, le Renard ou encore la Belle Poule.
Un vieil homme, ancien «1re caté», le gratin chez les cyclistes amateurs, a cette phrase, définitive: «Ici on a été vacciné avec un rayon de vélo.» Bien sûr, ils connaissent Miguel Indurain, Tony Rominger ou Richard Virenque mais ce n'est pas d'eux qu'ils parlent, ce n'est pas leur histoire. Leurs regards fatigués balaient la foule, comme le faisceau du phare des Roches Douves qu'on aperçoit la nuit quand la mer est belle. Ils cherchent à rafistoler les bribes de leurs vies laborieuses, aperçoivent Loïc Le Bourhis, paralysé par le trac un jour de l'été 72 au pied de la côte d'Yffiniac dans la deuxième étape du Tour et qui termina dernier sur le vélodrom