Espelette, envoyé spécial
C'est un pays où, dit-on, «il faut avoir des cuisses d'âne» pour s'agripper à flanc de coteau. Les routes ne laissent passer qu'une voiture à la fois et se déroulent comme des serpentins gris dans le vert intense des champs de maïs, des prairies à l'herbe rase. Des fermes blanches aux volets rouges sont posées dans ce décor de minigolf grandeur nature, des fermes qui de loin sont toutes identiques, de près toutes dissemblables. La maison de la famille Darguy s'ouvre au centre par un vaste porche qui donne sur ce qui devait être une étable, aujourd'hui une vaste pièce à tout faire. Au sol, de la terre battue et, à gauche, une cuisine où il serait très inconvenant de refuser de s'attabler pour boire l'apéritif. A 29 ans, Joseph Darguy habite toujours près de ses parents. Il est né à la ferme «parce qu'à l'époque on connaissait pas les moyens de déplacement d'aujourd'hui» et n'a jamais songé à s'en aller.
Outre les liens familiaux très forts qui l'unissent à sa terre, Joseph est arrimé à son village par une longue corde à laquelle s'accrochent avec lui frères et copains pour défendre l'honneur de ce coin de Pays basque où la force physique est élevée au rang de vertu. Ici, tirer sur une corde est une compétition, pas une farce. Le club d'Espelette, Napurrak, est le club le plus redouté de France et Joseph le tireur le plus titré avec un record de 19 championnats nationaux en poche. Pourtant, le tir à la corde, ou soka-tira, n'a rien d'obligatoire pour