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Libération
Portrait

ESCRIME. Un jeune homme rangé sur le fil de l'épée Srecki, champion du monde, a la victoire modeste.

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publié le 7 août 1995 à 7h38

Service recouvrement, bonjour.» Lunettes fines, chemisette et

pantalon à pinces, c'est un employé ordinaire qui descend l'escalier ordinaire d'une agence ordinaire de la BNP. On ne décèle rien de particulier chez cet homme d'une trentaine d'années qui s'aprête à aller déjeuner comme l'ensemble de ses collègues dans un bistrot de la place Clichy, à Paris. «A la consigne de la gare de Rennes, l'autre jour, quelqu'un m'a reconnu, mais je me suis dit que ça devait être un lecteur assidu de l'Equipe.» Depuis bientôt six ans qu'Eric Srecki se rend à son bureau en métro, jamais personne ne s'est retourné sur son passage, pas une tape amicale, pas le moindre signe de reconnaissance. Champion olympique à Barcelone en 1992 et, depuis quinze jours, champion du monde d'épée, Eric Srecki, fondu dans la masse des transportés en commun parisiens, ne semble pas s'en formaliser. Son plaisir est ailleurs. Il se consacre inlassablement à reproduire les mêmes déplacements, les mêmes pas, un art étrange qui se pratique dans un univers sans horizon, que l'on appelle sobrement une salle d'armes. «Comme le solfège, je prends toujours des leçons, je fais mes gammes. Je répéte les mêmes gestes que j'ai commencé à apprendre à l'âge de six ans. Ce qui explique que beaucoup de jeunes quittent ce sport. Moi ça ne m'a pas dégoûté. C'est plus la compétition qui m'intéressait et dès huit ans j'ai eu la chance d'avoir des résultats.»

Petit-fils d'émigré polonais arrivé dans le Pas-de-Calais pour plonger dans l