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Libération
Portrait

Jo, le rameur revenu de galèresJo Le Guen, le traverseur d'Atlantique, est un éternel révolté.

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publié le 27 septembre 1995 à 7h57

Brest, envoyé spécial

Quand Jo Le Guen entonne le Jesus Pegen Braz Ve dans la salle du restaurant Kastel an Daol, ce sont des tranches de vie qui se recollent. Comme si trois mois d'errance à la rame sur l'Atlantique étaient venus apurer une vie de vadrouille. Le soir, fatigué, mais tellement heureux, il en reparle, presque surpris: «Ça m'a gêné d'entendre les gens de l'île de Molène chanter un truc me concernant sur un air de cantique. Quand je l'ai entonné après, c'est la partie la plus profonde de moi qui chantait. Quand j'ai traversé pour le première fois l'Atlantique, à la voile et en solo, je me rappelle l'avoir chanté à tue-tête devant les côtes marocaines. Ça me rappelle le goémon, les casiers, les premières Gauloises, cette vie de Molène. Quand j'étais petit, à la messe le dimanche, on payait notre chaise et l'après-midi on allait dans la famille. Les vieux mettaient leurs casquettes neuves. C'est tout ça qui me revient. A part ça, on a tué tellement de monde au nom de la religion. La religion c'est l'assassinat, le pouvoir, le contrôle des gens.» Jo n'a pas changé, toujours anar, éternel révolté parti jouer une partie de lui-même sur l'Océan.

Il a peur d'oublier: «Le temps en mer, c'est très rond. Il n'y a plus de commencement, plus de durée. Un autre monde. Tu es en mer. Point.» En une fraction de seconde, il repart là-bas, en des lieux qui n'existent que pour lui. Le 4 juillet son antenne radio est tombée à la mer. Il dit que ce n'est pas lui qui l'a jetée. Le d