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Libération

Le FK Sarajevo mis à nu par la guerre. Le club a repris le championnat de Bosnie avec des novices, tous soldats.

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publié le 30 octobre 1995 à 8h52

Sarajevo, envoyé spécial

Dans le stade d'une ville assiégée, les réflexes de supporters s'émoussent moins que ceux des joueurs. Nous sommes à l'ultime minute d'un match. La balle ricoche sur le poteau. Un joueur surgit face à une cage vide mais frappe le cuir au-dessus. Le public se lève, à la fois pour «pousser» son équipe en cet instant crucial, et pour signifier sa désillusion. Un coup de sifflet entérine finalement la victoire de Travnik et la défaite de Sarajevo. Fadil, vêtu d'une chemise échancrée sous un vieux blouson élimé, un gobelet de slivovica (alcool de prune) à la main, crie à l'adresse du joueur malchanceux: «Celui-là, encore plus fainéant que les autres.» Fadil et ses copains ­ qui l'approuvent ­ n'ignorent pas que ce footballeur s'en retournera en boitant de courbatures vers sa caserne après une douche froide. Mais il ne résiste pas au plaisir de ce bon vieux mot, plus malicieux que fielleux.

Nous sommes samedi après-midi, ébloui du soleil d'un été indien, tardif et sympathique, au Stadion Kosevo de Sarajevo. Entrée libre et continue, pique-nique de bureks gras, retrouvailles entre copains amincis; chahut de mômes heureux de gambader le long des travées; 6.000 personnes attendent la grande rentrée des «maillots grenat» du FK Sarajevo. Dans ce vieux stade socialiste en gradins de béton, la dernière rencontre remonte au 29 mars 1992. La semaine suivante, l'équipe bosniaque disputait le dernier titre yougoslave à l'Etoile rouge, à Belgrade, et revenait sous escor