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Portrait

Philippe Sella ne sera plus candidat au rugby nationalLe joueur le plus capé du monde renonce aux Bleus.

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publié le 21 décembre 1995 à 11h03

Ce gamin-là, c'était d'abord des jambes, de celles qui permettent de

filer la métaphore en se servant chez Verlaine: Sella le joueur aux semelles de vent. Parce qu'au moment où il arrête sa carrière internationale, avec un record de sélections (111) indécrochable, il reste de lui des images de souffles légers ou dévastateurs, un courant d'air ou une tornade. Philippe Sella court, balle en main et ses adversaires en sont renversés. Il perce, il crochète, il s'arrache. Il avait 20 ans et les cheveux longs, ses courses promettaient de sortir le rugby français de l'âge des mammouths. Les fans égrenaient les lignes d'attaque en chapelet, Blanco, Sella, Bonneval, Charvet, Lagisquet, Estève et les voeux étaient exaucés.

Puis Sella n'eut plus 20 ans. Il avait encore des jambes. Moins vives, mais tout aussi fortes. Jamais on n'avait vu un trois-quart centre résister si bien aux placages pour rester debout, s'arracher encore ou garder le ballon à son équipe.

Avec lui, le rugby faisait sa transition, deux jeux en un seul homme, l'artiste et l'athlète, le beau rugby d'autrefois et le superbe spectacle d'aujourd'hui, avec de la force et de la vitesse, toujours. Né en 1962, Philippe Sella était arrivé au bon moment, avec le souvenir des grands attaquants et le présent pour lui.

Il arriva enfin que Philippe Sella abandonnât ses 20 ans. Et toujours pas ses jambes. Elles le multipliaient en défense. On pouvait dire alors de ce joueur-là qu'il n'avait pas perdu beaucoup de ballons, mais qu'en plu