Les jours d'avant tournoi, une étrange cohorte se forme dans un coin
de la forêt de Rambouillet. Ils sont là, une centaine, peu après l'aube. Les mains dans les poches, ils soufflent la buée par petits groupes autour du château La Voisine à Clairefontaine. Silencieux ou blagueurs, jeunes et vieux, quelques-uns intimidés, d'autres habitués qui ouvrent le coffre de leur voiture sur des pique-niques d'hiver avec café chaud et alcools forts. Tous attendent l'équipe de France. Tout à l'heure, les joueurs sortiront du château pour se diriger vers le terrain d'entraînement, et la cohorte en murmurera de plaisir. Merle? «Putain, oui, c'est une bête!» Dourthe? «Je le voyais pas si gaillard...» Gonzalez? «Regarde ses mollets!» Pelous? «Il fait vachement jeune...»
La cohorte à l'accent du Sud. Ils sont retraités, jeunes postiers ou policiers, tous exilés à Paris. A la fin de l'entraînement, les plus hardis se colleront épaule contre épaule à un joueur, pendant qu'un copain prendra la photo. Les hommes en survêtement sourient, certains posent avec la main sur l'épaule de leur admirateur. Un entraînement du XV de France, même dans la brume et le froid, c'est doux comme un dimanche «en bas», comme on dit dans la cohorte pour désigner le pays.
Ces joueurs si avenants sont pourtant de plus en plus professionnels. A l'entraînement, ils restent sans cesse attentifs. Jean-Claude Skrela leur parle sans élever la voix, comme de l'intérieur. «Il faut savoir qu'à ce jeu, pour aller en soutien, il f