Il reste encore une quinzaine de kilomètres à parcourir sur ce
Paris-Roubaix de sueur et de poussière. Johan Museeuw ne lève plus la tête de la potence de son vélo sur laquelle ses mains semblent scellées. Dans sa roue, deux coéquipiers italiens, Andrea Tafi et Gianluca Bortolami, lui font une garde d'honneur comme si, entre Camphin-en-Pévèle et le Carrefour de l'Arbre, ce qui apparaît souvent comme un enfer s'était métamorphosé en voie royale. Ils savent que la victoire ne peut plus leur échapper mais le dilemme est cruel. Des mois qu'ils passent tout leur temps ensemble, qu'ils partagent les mêmes hôtels, les mêmes chambres parfois, les mêmes heures d'entraînement dans le froid et la pluie... Et puis là, ils vont peut-être devoir se trahir ou tout au moins se piéger mutuellement.
Dans sa voiture, Patrick Lefevere, directeur sportif du printemps à la Mapei, une formation italienne, se rend compte qu'il doit vite prendre une décision. Il sent la tension monter entre ses trois coureurs. Johan Museeuw, belge comme lui, montre les premiers signes d'énervement et se retourne vers la voiture de son directeur sportif, un poing serré ou plutôt interrogatif. Le coureur de Varsenare, maintenant installé à Gistel, près d'Ostende, veut savoir. Il ne veut pas de lutte fratricide même si il tient à cette classique comme à la prunelle de ses yeux. A 31 ans, le coureur flamand ne compte plus le nombre de fois où il a cru que l'enfer du Nord allait s'offrir à lui avant de se dérober sur un d