Les Arcsenvoyé spécial
Aux portes du podium, route de la Croisette, Luc Leblanc passe sous la tribune réservée aux télévisions. L'excitation est telle que s'emmêlent les voix, les langues et les accents, tragiques, enflammés, emphatiques... Comme s'il n'entendait pas, le Français sourit sans rien dire. Il a le teint clair, la tête au calme, une serviette autour du cou. Il avance dans les brumes. Ses jambes en fuseau noir paraissent étrangement frêles. On l'arrête tous les trois mètres: «Luc, est-ce que tu te rends compte? tu as gagné une étape de légende!» Il remercie, étonné, angélique. «Je l'inscrirai sur mes tablettes, dit-il. Je crois que je prendrai plaisir à la revoir.» Sur la ligne d'arrivée où il s'attarde pour le contrôle médical, il entrevoit les vaincus. Visages fermés, creusés par la pluie, la boue, la douleur. On l'interroge sur les défaillances, Indurain, Jalabert... Il hésite: «On n'est pas des surhommes, il faut le dire...» C'est la cohue. On se bouscule autour du Français. Les images se mélangent. Il y repensera plus tard, dans sa chambre, au silence d'une station de montagne que la foule a quittée. Il reverra sans doute en boucle les cinq cents derniers mètres où il a ralenti l'allure pour lever les bras au ciel, flotter avec l'aura du vainqueur, se laisser griser par la clameur. Depuis sa victoire d'étape à Hautacam et son titre de champion du monde par un bel été 1994, il n'avait plus connu cette sensation. On ne parlait que de ses errances, de sa malcha