A Saint-Etienne-de-Baigorry, à l'ombre d'une tonnelle, Raymond Poulidor prend place à table et commande une bière à l'eau. Quelques suiveurs sont assis là. Ils profitent de la fraîcheur du jardin pendant que le peloton s'endort sur les routes d'Espagne, et sautent sur l'occasion. Le Tour est joué, les journées s'alanguissent. Les manières d'accommoder la bière, c'est un sujet en or: «De l'eau, il n'en faut pas trop», dit Poupou. Il a trouvé une audience, parle à la cantonnade. Il embraye sur le thé tiède, «idéal quand on roule par une journée pareille». A l'autre bout de la terrasse, Sean Kelly et Stephen Roche déjeunent côte à côte. Ils pensent aux vacances. Poulidor les interpelle: «Dites donc les gars, à vous deux vous possédez toute l'Irlande!» Moue dubitative de Stephen Roche qui cachetonne dans la caravane publicitaire comme l'ancien champion français. Debout au milieu des tables, Poupou s'interroge à haute voix sur les fortunes comparées des deux champions irlandais: «Kelly, c'est le plus riche sans doute. Remarquez, les équipes espagnoles et italiennes, elles paient bien, mais leur monnaie vaut pas grand-chose. Il en faut un sac pour acheter une bière.»
Sur ces mots, il attaque, réjoui, son omelette aux cèpes. La course ne l'intéresse plus. A l'heure du café, c'est vrai, il ne s'est pas passé grand-chose. Les coureurs roulent, les suiveurs suivent. Tout le monde a la tête à Paris. La moyenne n'est jamais tombée si bas depuis les plaines du Nord que le peloton traversa