Samedi après-midi, quatre ados discutent dans le jardin public de la
place de la République de Montreuil-sous-Bois. Le premier: «Dis, t'as pas vu Ali ce matin?» Le second: «Quel Ali, où ça?» Le troisième: «Mohammed Ali, le boxeur, avec la flamme, pour les JO. C'était supergrand!» Aucun d'eux n'était né aux temps des combats de l'ancien champion du monde. Ils ne se rappellent pas son emprisonnement après son refus de combattre au Viêt-nam. Ils ne savent rien de sa maladie. Mais ils ont vu juste devant leur télévision. Le spectacle de Mohammed Ali, seul, droit, avec la flamme en bout de bras, c'était très grand. Et, en plus, bouleversant.
La grandeur du spectacle ne date pas d'hier dans ce pays. En 1882, les guerres indiennes n'étaient pas terminées et déjà le Grand Cirque de l'Ouest sauvage attirait des millions de spectateurs, avec pour vedettes Buffalo Bill, Kit Karson et Sitting Bull en personne, à peine vaincu. Le don de l'Amérique à représenter sa propre histoire est à l'origine même de cette Histoire. C'est pourquoi la grandeur de la mise en scène de la cérémonie d'ouverture des Jeux d'Atlanta ne faisait pas de doute. Mais elle pouvait faire craindre le pire, surtout à ceux qui gardaient en mémoire la scandaleuse cérémonie des Jeux de Los Angeles. Douze ans plus tôt, dans une Amérique reaganienne, le show inaugural avait réduit le monde à l'Ouest, sa conquête à une croisade pour la civilisation.
Il paraît d'ailleurs que le comité d'organisation a été tenté d'en faire une r