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Libération

Isabelle Autissier en direct de l'océanLe vent est mon royaume

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publié le 19 novembre 1996 à 1h21

Lundi 18 novembre

Par 10004 nord et 25034 ouest Il fait nuit tôt sous les tropiques, je viens de prendre une image satellite, ça émerveille toujours, la photo des nuages, là sur l'écran, comme si j'avais fait un coup de tapis volant" J'ai aussi commandé mes cartes de champs de vent pour demain matin par fax, vérifié que ma lampe frontale marche bien, me suis un peu forcée à manger une salade en boîte" Un petit coup de sophrologie sur la banquette de table à cartes" bienvenue la nuit.

C'est mon heure, celle de la veille dans le cockpit pour voir, pour sentir si possible ce que sera cette nuit, paisible? Agitée? Tendue, non cette nuit sera somptueuse. Enfin, nous avons touché des vents de nord-est qui, à défaut d'alizés, font bien mon affaire. Cet après-midi, j'ai laissé sur bâbord la dernière terre avant le Horn, l'île de Fogo au Cap-Vert.

Dans ce vent bien établi, avec une mer peu formée, je lâche les chevaux, le bateau vent de travers donne toute sa puissance. Debout dans le cockpit, je bois ce bonheur à petits coups. Solent et grand-voile haute, le pilote pousse le bateau dans le vent, on le sent prendre une grande respiration, s'élancer, concentrer sa puissance. Il démarre en vibrant sous l'effort, 15, 17, 19 noeuds, il tremble de la tête aux pieds, la quille pousse un long soupir. Ça feule le long de la coque de plus en plus fort et ça dure, comme quand nous étions petits et que le jeu consistait à faire durer son souffle le plus longtemps possible. La transe continue et c