L'hippodrome d'Evry a fermé ses pistes mardi dernier (Libération du
4 décembre), sous un ciel bas et pluvieux. «Le même temps pourri que pour l'ouverture», se souvient Alain qui, après un coup d'oeil soupçonneux vers le tableau des cotes, affirme: «J'y étais et j'suis rentré à pinces; j'avais tout perdu.»Turfiste de longue date, Alain ne s'est pas débarrassé du virus des courses dont il dit qu'il troue les poches et met des valises à la place des paupières. Avantage, la mémoire est alerte: «L'inauguration a eu lieu à la fin de l'année 1972 et c'est une brêle à Rothschild qui a gagné la première course. Maintenant, les rois du turf, c'est les Arabes, les rois du pétrole. Moi aussi j'ai été dans le pétrole, mais comme pompiste.»
Interdiction de gagner. Je n'ose pas dire à mon interlocuteur que moi aussi j'ai participé à l'ouverture d'Evry, ce 30 novembre 1972, en tant qu'apprenti-jockey. Deux pur-sang m'y attendaient: Tender Boy dans la troisième, Butch Cassidy dans la suivante. Piètre souvenir, car j'avais pour consigne de ne point pointer les naseaux de mes associés sabotés dans les trois premiers, places qui permettent aux parieurs sagaces de gagner quelques sous. C'est donc en touriste, d'une certaine manière, que je découvris la 8e merveille des champs de courses parisiens. Ce fut d'abord la longue tribune incurvée avec son auvent céladon qui m'enchanta. Ses bancs vert lagon donnaient une touche tropique aux fesses nobles mais tristes des vieux machins rabougris, secs et au