Miguel Indurain a trop longtemps séparé la France en deux. En
égalant statistiquement les plus grands des champions de l'histoire, en les surpassant même, pour certains, par sa régularité (non seulement cinq Tours de France, mais cinq Tours successifs!...), en menaçant, l'espace d'une avant-saison, de les surclasser par une sixième victoire, il s'est durablement installé dans la légende d'un sport qui en est friand. Mais une partie de l'opinion lui refusera toujours la dimension du mythe.
Parce que voilà longtemps qu'on exige du sportif bien plus que le sport: du style, du charisme, de la générosité ou du panache. Pour aggraver les choses, le cyclisme est en France, de longue tradition, un genre littéraire autant qu'une discipline sportive; la matière principale d'un concours permanent de plumes, qui transmute de simples héros venus de la terre en personnages d'épopée.
Ceux qui se contentent des victoires, de la régularité, de l'exceptionnelle domination de ce champion sur tous ses concurrents pendant ces cinq années un siècle, à l'échelle du sport s'opposeront donc toujours à ceux qui déploreront la rareté de victoires d'étape (hormis les contre-la-montre), l'évitement des grandes classiques, l'économie apparente des moyens et la parcimonie dans l'éclat. Mais c'est la France qui aime les vrais débats de fond...
Ailleurs, et d'abord bien sûr chez lui, Miguel Indurain est sans conteste reconnu pour celui qu'il est: un géant aux pédales de feu, dont la grandeur tient préciséme