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Libération

Isabelle Autissier en direct de l'océan. «Toujours tu t'en souviendras».

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publié le 14 janvier 1997 à 16h05

Alors, tu croyais t'en tirer comme ça, discreto, je traverse le

Pacifique Sud les mains dans les poches avec 40 noeuds de vent maximum" Ma pauvre fille" est-ce parce que tu es déjà venue, que tu te considérais comme dédouanée, ou plutôt parce que dans toute la première moitié du parcours, c'était Byzance, 20/25 noeuds, du soleil, la pile de bouquins qui commençait à fondre tellement c'était tranquille" je t'ai bien eu, hein, t'as vu quand je veux, comme je sais faire le Raminagrobis des cinquantièmes, comme je sais calmer mes vents et t'envoyer tournoyer mes albatros dans le soleil pour endormir ta méfiance" ah c'était bien, c'était beau, au début tu y croyais à peine et puis on s'habitue et te voilà à sourire, à aller taquiner ton copain Gerry que tu poursuivais depuis Capetown, vous voilà tous les deux tactiquant et papotant par fax comme si vous étiez sur le plan d'eau d'Asnières. C'est peut-être ça qui m'a agacé.

Je n'aime pas trop qu'on ne me prenne pas au sérieux. Dans le temps, les marins priaient la Vierge matin et soir pour que je les épargne. Vous voilà maintenant sur vos machines de course, sophistiquées, bichonnées, invincibles" Voire" Vos antennes satellites et vos ordinateurs, c'est bien pour faire joujou ou causer à la télé, mais moi, je n'ai pour m'exprimer que la myriade de gouttes d'eau que je forme et déforme, je ne vois que le nuage, je n'entends que le chuintement ou le grondement de mes vents, je ne sens que la pente de mes vagues, je ne respire et ne gou