Quelques heures après son arrivée à Fremantle, Thierry Dubois a
troqué sa salopette de la Navy australienne pour un short et un tee-shirt Amnesty International. Son père et sa fiancée sont venus le rejoindre. Il sourit, il est détendu, il plaisante. Il montre un pouce violacé: ligament sectionné. Ses orteils ont souffert du froid. Mais dit-il, la sensibilité est revenue. Ce sont les seules séquelles physiques de son naufrage et des cinq jours et cinq nuits qu'il a passés, ballotté par les eaux glacés de l'Antarctique. Tony Bullimore, l'autre naufragé, est lui à l'hôpital de Fremantle où il est traité pour des blessures aux pieds causées par le gel. Thierry Dubois a commandé une énorme pizza. Il parle, entre les bouchées.
Héros. Je n'ai pas envie d'être un héros. Je ne l'ai pas fait pour cela. J'utilise les médias pour une cause, pas pour devenir un héros. Héros, c'est un mot dans l'air du temps. Les gens en ont peut-être besoin.
Scoumoune. Pendant cette course, j'ai tapé deux épaves, je me suis retourné trois fois, j'ai perdu mon bateau et cinq radeaux. Peur. Je n'ai pas eu peur, dans les retournements. Au pire moment, on se dit qu'on va mourir, ça tracasse un peu, mais ce n'est pas de la peur. Quand on s'est retourné une fois, la deuxième fois ça commence à aller, la troisième, ça va. On se fait plus peur, rétrospectivement, en pensant à ce qui aurait pu encore plus mal se passer: si j'avais été à l'extérieur du bateau, et non à l'intérieur quand il s'est retourné.
La mort.