Aquinze heures, dimanche, dans les écuries de l'hippodrome de
Vincennes, Vincent Brazon ouvre le box d'Abo Volo, magnifique trotteur de 9 ans et favori du 76e prix d'Amérique, épreuve la plus sélective et donc la plus palpitante de la planète. «C'est l'heure, mon Volo», dit le lad à son champion. Corps fumant, l'étalon redresse l'encolure et pousse un soupir. Avant de s'installer à son sulky, le driver belge Jos Verbeeck lui tapote la croupe qu'il a pleine et brun chocolat. Après le défilé d'avant course, les deux hommes se retrouvent au départ, car Vincent Brazon doit tendre l'enrênement de son crack (cela lui relève le port de tête pour un équilibre parfait lorsqu'il sera lancé à grandes battues), juste avant sa volte d'entame. Le lad regarde l'oeil volontaire et concentré du trotteur, puis fait un clin d'oeil au driver, qui, fidèle à sa maestria, prend un départ volant pour s'installer en tête du peloton, à la corde devant ses 17 adversaires. Cette victoire, Jos et Vincent la veulent, pour le cheval d'abord, qui en près de 90 épreuves n'a presque jamais terminé plus loin que 3e, mais surtout pour son propriétaire, Albert Viel, un octogénaire qu'un cancer a cloué à l'hôpital. Or les casaque noire et toque rose du grand Albert (voir Libération d'hier), dont l'élevage de demi-sang est le plus fameux d'Europe et le palmarès archibondé de lauriers, n'ont jamais remporté la grande épreuve. Le temps compte. Abo Volo et Jos Verbeeck vont l'emballer: ils parcourent les premiers 50