Etonnante fin de siècle où les progrès de la technologie permettent
les relations épistolaires terre-mer. Entre Catherine Chabaud, en passe d'être la première femme à boucler, en course, le tour du monde à la voile en solitaire sans escale et sans assistance, et Renaud Gaultier, à la fois mentor, gourou, peintre et écrivain, s'entretient depuis le 3 novembre une palpitante conversation qui outrepasse les simples recommandations techniques et les encouragements basiques. Entre la jeune femme blonde, journaliste de formation partie fendre ses incertitudes, et son éminence grise resté à terre, se tisse une relation bien plus forte que les vents les plus mauvais. «Je lui raconte ce que je vis, il me renvoie des messages qui sont exactement cadrés avec ce que je veux vivre». Dans le secret de conversations par télex s'ébauche une histoire au goût de sel et de sens, de poésie et de courage.
«Mon bonze». On les avait déjà croisés, aux Sables-d'Olonne, légèrement speedés par l'urgence d'un départ qui s'était précipité. Elle, la chevelure blonde, la bouche volubile, lui légèrement en retrait, discrète présence qui semblait la rassurer. Elle avait alors parlé de son expérience récente, de ses dernières transats, en équipage ou en solitaire sur Fuji III, des peurs à venir et des paniques qui avaient parfois lessivé son entendement, dans ces moments où combinaison de survie enfilée, balise Argos en main, «on sort du jeu, on rentre dans la survie». Une épaule fragilisée par un accident de