Les joueurs anglais trempent enfin leurs pieds dans le grand bain
vert de Twickenham. L'atmosphère est glaciale. La fédération prend en pitié les journalistes et cameramen qui sautillent le long de la ligne de touche. Un énorme Thermos de café est avancé. Les tasses fument, et le grand Jack Rowell, alias «le Grizzli», entraîneur à la démarche souple et aux émotions froides, montre ses gencives pour demander d'un air condescendant aux éventuels Ecossais présents de bien vouloir quitter le stade le temps de la séance. Une plaisanterie convenue pour mieux conjurer les salves de critiques assénées à son encontre ces jours-ci. Sa fédération, ses propres joueurs, ses pairs et la presse ont visé juste pour faire mal à cet homme d'apparence paisible. Le naturel lymphatique, un moral sans brèche, il continue son oeuvre imperturbable avec un sens tout militaire de la mission à accomplir. Ses épais cheveux blancs lui donnent un air de philosophe. Avant l'entrée en lice de ses joueurs dans le Tournoi, samedi contre l'Ecosse, il lâche: «Je suis aux commandes d'un bateau de guerre.» Depuis la Coupe du monde en Afrique du Sud en 1995, l'équipe d'Angleterre n'a été réunie que pour les matchs du Tournoi 96 et deux tests en novembre. De longs mois de chômage technique sur lesquels sont passées les bourrasques du professionnalisme sauvage, et revoilà Jack Rowell dans la bataille. «Entraîner l'équipe nationale est pour moi un honneur rien d'autre», balance-t-il, l'oeil vagabond derrière ses épa