A Auteuil, où se disputait hier après-midi le 98e prix du Président
de la République, plus que sur aucun autre hippodrome il y a des signes qui ne trompent pas. Au dernier obstacle de la deuxième épreuve, Vincipontain, un gentil hongre, culbute et ne se relève plus, étendu, raide paralysé. Le public se scinde en deux: ceux qui maugréent et retournent vers les guichets, et ceux qui se massent vers la lice, inquiets, pressant leur programme dans leurs mains. Après dix minutes, l'alezan se relève et s'ébroue, oreilles pointées, tout étonné d'être en vie, entier, avant de passer entre la file des curieux qui l'applaudissent et lui crient «bravo!». Une dame toute ronde, avec robe à fleurs, passe un gros doigt sous ses lunettes embuées et dit: «C'est rien, c'est rien, c'est l'émotion, il sont si bons, si courageux, si beaux debout que je souffre de les voir à terre.» Le jockey du revenant groggy s'appelle Capitaine. Voici le signe, car deux heures et demie plus tard, lors de la course classique, le Président, roi des handicaps, l'unique concurrent appartenant à l'administration publique (il est entraîné à Fontainebleau dans une section course de l'école militaire), Duky, se tue en sautant le 15e obstacle, le moyen open-ditch (voir Libération de samedi). Un «soleil» impressionnant, comme l'on dit dans le jargon, comme si, sonné par le saut précédent, le Rail-ditch and fence, dit le Juge de paix, il n'avait pas vu arriver cet obstacle redouté, car souvent les chevaux s'y relâchent.