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Libération

Détours en france. Chaque jour, tranches de vie de ville-étape. Aujourd'hui: Marennes. Chez Popeye, avenue des huîtres. Le cafetier en sait plus que quiconque sur la vie silencieuse des ostréiculteurs.

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publié le 11 juillet 1997 à 6h46

Marennes envoyé spécial

La maline, la marée d'équinoxe, en remuant les fonds de la Seudre, exhale un parfum aux effets insidieux. Au travers des vitres brisées par une ondée, le regard se fixe sur la rive envahie d'algues, striée sur des kilomètres par des tables noires d'huîtres endormies. La coque de la barge hoquette sur les vagues et, dans la cabine où le vent s'infiltre, les effluves d'essence montent à la tête. Enfin, quand le bateau s'immobilise en frottant son ventre plat sur le sol de vase et de sable des parcs, le silence est partout. Un silence à peine troublé de rafales qui engourdissent, saoulent et rendent muet.

Il n'y a que le son des cuissardes en caoutchouc qui s'enfoncent dans ce marais. Les pieds sont au chaud dans d'épaisses chaussettes de laine et font un bruit de suçoir à chaque pas. D'autres marins alentour, aux gestes lents et brusques comme des oiseaux mazoutés, inspectent leurs concessions, tandis que des hommes pêchent en fermant les yeux. On ne parle pas aux huîtres, alors certains emmènent leur chien sur ces étendues saumâtres, où la brume les engloutit parfois. Les oreilles au vent, le museau en proue, ils ont, dit-on, les pattes brûlées par le sel et sont assez vite condamnés à vieillir à terre, les coussins endoloris.

Quatre ans pour grandir. Quand on serre la main d'un marin d'ici, on sent les morsures des jeunes pousses d'huîtres, tranchantes comme des rasoirs. Leurs coquilles ont un reflet bleuté, tirant sur le mauve. Pendant leurs quatre ann