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Libération
Portrait

Eric Tabarly Le vieil oursin

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Eric Tabarly, 66 ans, reprend la mer aujourd'hui, comme partenaire d'Yves Parlier pour la Transat Le Havre-Carthagène.
publié le 13 octobre 1997 à 11h50

On ne part pas voir Eric Tabarly le coeur léger. Le temps d'un soupir au téléphone, il glisse: «Faut bien y passer.» Pas très engageant. Le vieux loup de mer n'aime pas causer. Mais il donne son adresse. Un village à quelques kilomètres de Quimper. Un long sentier de terre, bordé de maïs, et tout au bout une vieille longère déplacée pierre par pierre depuis le Morbihan. Il apparaît. Pas très grand. Deux petits yeux clairs sur de larges épaules. Une bouche presque invisible, comme rétractée par l'avarice des mots. Beaucoup de silence. On devine l'épouse, Jacqueline, quelque part dans les murs. Marie, petite fille créole de 13 ans, est à l'école. Le chien même n'aboie pas, ou si peu. On passe au salon. Los Angeles-Tahiti sur la grande table. San Fransisco-Tokyo sur le bord de la fenêtre. Coupes chargées de souvenirs qu'il ne raconte pas, traces consciencieusement astiquées de la mythique aventure du navigateur. Le 11 octobre, Tabarly repart avec Yves Parlier pour un périple Le Havre-Carthagène, à bord d'Aquitaine Innovations. En 1990, déjà sur le bateau d'un autre, il y avait eu Lorient-Saint-Barth: bateau culbuté, vol plané, épaule amochée" mais jamais l'envie de renoncer. «J'ai pris ma retraite au sens où je n'ai plus de bateau à moi pour courir. Je ne voulais plus chercher les sponsors. Mais je savais que si l'occasion se présentait"» La revoilà. Et avec elle, probablement, le désir inavoué d'un éternel retour.

Il est d'une autre époque. D'un temps où naviguer était une affa