Agen envoyé spécial
Sur la nappe, il y a des miettes de pain et des serviettes froissées. Les fleurs commencent à pencher et le ballon de rugby en cristal est resté au voisinage d'une plaque en nougatine un peu entamée sur laquelle est écrit, au sucre blanc: «Bon anniversaire Albert!» Samedi, c'était la sixième fois cette année qu'on lui souhaitait son anniversaire. La sixième fois depuis le 12 août, qui fait foi pour l'état civil. Albert, tout le monde dit comme ça. On est en famille. Albert est occupé à autographier des petits ballons en plastique fournis par un hypermarché dont on lit le nom au-dessus de la dédicace: «Albert Ferrasse, 80 ans.»
Ce type a fait peur. Il a mis au garde-à-vous grands et costauds pendant les vingt-trois ans où il fut président de la FFR, jusqu'en 1991. C'était le plus célèbre président de fédération française, le plus sûr de son fait, le plus autoritaire, le plus colérique. Alors dans sa ville d'Agen, pour l'hommage officiel du conseil général, du conseil régional, de la mairie, en présence du préfet, d'un ancien ministre et de 500 invités du «monde de l'ovalie», on s'amuse à lui tailler un costume de parrain.
Déférence. Comme autrefois, quelqu'un est venu lui apporter une boîte de cigares. C'était le signe d'allégeance; quand on quémandait une indulgence, on déposait devant lui des havanes, au détail ou par boîte, chacun selon ses moyens. Cela tenait lieu de génuflexion et il aimait bien ça, les cigares et la génuflexion. Maintenant, il a l'air d