Jamais le football n'aura enfanté personnage aussi théâtral. Le
registre d'Eric Cantona: l'art d'ouvrir et de fermer les portes des vestiaires, d'entrer et de sortir de scène en inventant des proverbes aussi obscurs que peuvent parfois être fascinants des slogans publicitaires. Sorte de Claude François charmé par Marlowe, plus que par Shakespeare, on retiendra du footballeur qu'il adorait jeter ses maillots dans la foule, et qu'il décontenançait son public avec des refrains à faire pâlir Morrissey, «I love you, I don't know why but I love you». Le port altier et le visage fermé, le toréador d'Old Trafford a quitté le dimanche 18 mai le football et Manchester , qui gardera en legs quatre titres de champion d'Angleterre. Il a laissé le soin à son dernier entraîneur et ami Alex Ferguson d'annoncer de son verbe terreux au peuple mancunian le départ de son exilé à la fin d'une saison marquée en avril par la défaite en demi-finale de la Ligue des champions des Red Devils contre le Borussia Dortmund. Ce jour-là, Captain Cantona, on l'a vu, se sentait seul. Les balles qui lui étaient adressées étaient ou trop molles ou trop vives, à moins que lui-même peinât à coordonner sa grande et belle carcasse qui semblait danser sur des contretemps fallacieux. Ce jour-là, Eric Cantona a ressenti que l'«apogée» de sa carrière de footballeur pour reprendre son mot était derrière lui. Son activité médiatique, films, pubs, théâtre (production) ou encore syndicalisme d'opérette au côté de Diego