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Libération

Ubu le Kalmouk, seigneur des échecs. Le président de la Fédération internationale joue le mécène d'un autre âge.

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publié le 13 janvier 1998 à 22h20

Lausanne, envoyé spécial.

Dans son dos, un écran télé reproduit les joutes des prétendants à la couronne mondiale des échecs. Sur sa droite, l'immobilité du lac Léman. Autour de lui, le musée olympique renvoie une atmosphère un rien feutrée, propre et virginale. Le sempiternel sourire de Kirsan Ilioumjinov a des airs de triomphe à peine modeste. Il dit: «Vous voyez, qui aurait prédit qu'un jour je me retrouverais là et que les échecs seraient au coeur de l'olympisme?» Le maître du jeu roi a pris quartier dans le bureau de Juan Antonio Samaranch, le président du Comité international olympique. Voilà à peine trois ans, Ilioumjinov prenait la tête de la Fide (Fédération internationale des échecs), au terme d'une révolution de palais ourdie à la façon d'un mat bien orchestré. Il avait 32 ans, le cheveu couleur de jais et la douceur d'un mandarin. Il venait à peine de prendre, en avril 1993, les rênes de la Kalmoukie, petite république autonome au bord de la mer Caspienne. Il s'était déjà autoproclamé roi d'un peuple mongol, bouddhiste et européen, descendant de Gengis Khan. Il était déjà Ubu dans ses allures de parler démocrate et d'agir autocrate. Déjà ambigu sur les raisons de sa fortune et illuminé dans sa volonté «de vouloir faire surgir un nouveau Koweit» au coeur de la steppe.

Le prix du silence. Aujourd'hui, il savoure les succès engrangés à la tête d'une fédération aux vieux réflexes soviétisants et à la situation financière exsangue. «Quand je suis arrivé à la tête de la