Chaque mardi, la navigatrice, engagée à bord de PRB dans la course
en équipage New York-San Francisco, livre, dans Libération, le récit de sa semaine de mer.
«C'est Lucky qui résume notre pensée; ça faisait un petit moment que l'on observait la danse des albatros dans cette forte houle, en commentant les coups d'aile: "Tu vois, on a l'impression que l'on arrive chez eux, c'est leur pays ici. «Oui, c'est leur pays, dès que l'on franchit le seuil des quarantièmes, ça n'est pas seulement que la mer est plus dure, le vent plus violent et le froid si vif, c'est aussi que tout le paysage s'anime soudain de ces vols continuels. Ils font leurs premières incursions vers 35° au sud à l'heure où l'on commence à ressortir les vêtements polaires, mais, un matin, dans l'aube des quarantièmes, ils sont partout, albatros, pétrels, puffins" Ils sont chez eux et c'est nous qui leur rendons visite. Mais comment font-elles, ces bestioles pour tenir en l'air sans un coup d'aile, même si l'on sait qu'elles récupèrent le vent de surface créé par les vagues, ça paraît toujours aussi miraculeux. Alors, comme les gosses, on s'extasie: "Regarde celui-là, l'envergure" au moins deux mètres cinquante" et derrière, le tout petit noir et blanc, comment peut-il survivre si loin de terre" là, un pétrel qui se fait sécher les ailes" «La course reprend ses droits à grands coups de vague dans la gueule, le bateau plante douloureusement des pieux dans une mer violente. La fatigue s'installe, pour lui et pour nous