Les mânes du regretté président Félix Faure et celles du toujours
pleuré cardinal Daniélou ont dû en avoir un soupir d'aise: Idéal du Gazeau est mort en Hollande au comble de la félicité à l'âge de 24 ans. Lui ne fut pas un cador vilipendé de la politique ou un prince contesté de l'Eglise. Il fut tout simplement, au début des années 80, le roi incontesté de Vincennes. Et pourtant on l'appelait «P'tit Bonhomme», parce qu'il était un roi du peuple, selon le concept cher aux Britanniques. Au contraire de la défunte princesse Diana, il en venait fils d'un étalon obscur, Alexis III, et d'une modeste poulinière, Venise du Gazeau et avait conquis son royaume à la force de ses jambes. C'était un petit cheval noir et fier qui ne payait pas de mine mais avait un coeur énorme. Alors, quand il tricotait son trot irrésistible sur tous les hippodromes du monde, les cris d'amour se mêlaient aux ovations et il venait face aux tribunes se laisser flatter par cette marée affective. Vainqueur du prix d'Amérique en 1981 et 1983, gagnant de trois championnats du monde consécutifs à New York, jamais un cheval n'avait suscité de tels torrents de tendresse. Les turfistes lui écrivaient un courrier de star, car, on le sait, l'animal ne trompe pas, lui. Il se dissémina pourtant beaucoup à partir de 1983, puisqu'il commença une carrière d'étalon: sa vente à un groupe de propriétaires suédois provoqua alors en France un petit scandale dans le monde de ses sujets. Eurent-ils le pressentiment qu'il