Monaco envoyé spécial
L'homme a secoué sa tête, puis fait rouler des yeux las. Puis voix blanche, regard fantomatique, il a soufflé: «Je suis épuisé.» Mécaniquement, il a replongé sur un échiquier vide. L'homme est étrange, il dit: «Jouer sans voir les pièces, jouer à l'aveugle, c'est flirter avec la folie, c'est jouer aux magiciens de l'âme des échecs. Mais ça obsède, ça use.» Il s'appelle Vlastimil Hort. Son attitude faustienne est celle d'un joueur qui a vendu son âme au jeu d'échecs invisible: le jeu à l'aveugle. Dans ce palace monégasque, où fontaines, marbres et boiseries se disputent l'espace, le grand maître, ombrageux, s'est isolé dans un coin. Dans son dos, tous les meilleurs joueurs du monde ou presque. Un mécène néerlandais les a réunis pour flatter son ego, apposant sa signature sur un chèque de 6 millions de francs. La 7e édition de l'Amber Tournament, parenthèse unique et chérie des joueurs, s'est achevée fin mars. Que deux des plus beaux phénomènes du jeu aient fini dans un mouchoir (Vladimir Kramnik et Alexei Shirov) importe peu. Ici, nul point à glaner, nul classement à espérer. Ici, on dialogue de la beauté du jeu entre artistes («Pour le plaisir, enfin», dit Kramnik). Ici, on joue en partie semi-rapide, et surtout, sans rien voir.
«Artiste sublime». Vlastimil Hort, lui, n'a pas pris part à la compétition officielle. A 54 ans, le candidat malheureux au titre mondial en 1977 s'est retiré dans un monde où il est un peu le roi du moment. Lui, six fois champio