Bogota, envoyé spécial.
Pour monter à Jerusalem, le chemin de croix commence à l'arrêt du bus. Première station avenue Jimenez, au carrefour de l'avenue Caracas, quand Bogota crache les derniers miasmes de ses embouteillages quotidiens. Trouver un car un peu moins surpeuplé que les autres et conquérir de haute lutte une parcelle d'abri. Ce qui reste d'énergie au soir de la journée de travail sera consacré à resquiller les 100 pesos de la course et, pour les plus honnêtes, recroquevillés sur un coin de banquette, à laisser tomber les paupières sur un regard vide. Il faut encore dix minutes de route pour atteindre la «localité 19», plus connue sous le nom de «Ciudad Bolivar», 2 millions d'habitants, l'immense cité-dortoir-bidonville du sud de la capitale. Et pour finir, l'ascension à pied, sans éclairage, sur des mauvais pavés ou des sentiers de pierraille, vers le sommet de la colline de Jerusalem, 80 000 âmes, l'un des 220 quartiers de Ciudad Bolivar. Foot-volley. Ici, tout est ocre gris, la couleur des murs et d'une terre sans végétation, tantôt poussière tantôt glaise visqueuse, au gré des pluies. Il y a, depuis peu, quelques fontaines publiques et autant de cabines téléphoniques. Il faut être un gamin de Jerusalem pour créer un terrain de foot dans cette friche. A chaque recoin à peu près plat, les stars de demain tripotent à satiété des ballons de cuir qui ont coûté une quinzaine de jours de travail à leurs parents ou nécessité le réinvestissement de quelque larcin.