Quel que soit le temps, Mme et M. Leval sont sur la place de
l'Eglise chaque jeudi soir, dans leur camionnette rouge, le long de la nationale. Ils jouent du coude et des hanches sans heurt, telle une paire de vieux complices qui savent tout l'un de l'autre. Monsieur fait les pizzas, immenses, artisanales, au feu de bois; madame organise le travail, commande les relationnels avec la clientèle, des fidèles. Andalouse, landaise, chavignol, les pizzas maison défilent comme des petits pains. Moyenne des ventes du jeudi soir à Pontarmé: une bonne quarantaine, ce qui fait pas loin de 10% de la population. Joli score. Las, jeudi, à l'heure où Camerounais et Autrichiens engagent la partie, la devanture de leur boutique est déserte. Vente: deux pizzas! «C'est la première fois», disent-ils en choeur. Pourtant, ils ont bien fait les choses. Les 32 drapeaux des pays en lice pour la Coupe flottent tout autour de la tôle. M. Leval a même enfilé un T-shirt tout neuf où s'affiche la mascotte tricolore. Il se console en constatant que, pour l'instant, il a les trois premiers matchs bons sur son ticket de Loto. Le foot, il aime. Madame un peu moins, mais elle laisse son mari écouter les commentaires à la radio. Certes, elle n'a pas voulu ils y ont pensé qu'il installe un petit poste TV près du four. «Il aurait pas été à son boulot, se serait certainement brûlé.» Et puis, son mari ajoute, sage et économe: «Quand on voit les droits qu'il faut payer, Sacem et tout le toutim, on devient vite